Les animux pouvaient parfois se montrer très… classes, dans leur transformation. À Lansline, il y en avait partout. Certains se métamorphosaient même parfois en des animaux peu communs et assez impressionnants. Cela changeait Zohéir des toits monotones de Méséria, où il n’y avait jamais de choses intéressantes à épier. Ici, accroupi sur les tuiles pour passer inaperçu, le jeune elfe gardait une vue parfaite sur la ruelle en contrebas et sur les transformations épatantes des animux. La cité ne grouillait pas tant que ça de monde et le brouhaha quotidien en était donc apaisé. Restait à savoir si cela allait durer encore longtemps. Oui, longtemps car Zohéir comptait bien rester ici quelques temps. Après ces longs jours passé dans les forêts perdu de Parpanum, il était tant pour lui de changer d’air.

À Lansline, les couleurs primaient sur tout. Une véritable peinture, une tablette d’aquarelles infinie. Et bien entendu, le palais royal qui se dressait fièrement au centre de la cité, arborant les couleurs fétiches du royaume : le vert émeraude et le blanc pur. C’était un assez beau mélange, qui se mariait bien avec les couleurs déjà présentes sur les habitations aux alentours du palais. L’après-midi était déjà bien entamé et Zohéir était dans cette position depuis très tôt ce matin. Il avait lié une sorte de complicité avec la ruelle qui s’étendait en contrebas. Il détaillait chaque animux qui la traversait, chaque citoyen. Si il restait là jusqu’au lendemain maintenant, il pourrait prédire exactement quel personnage se pointerait à quelle heure. Imprécise, bien évidemment, vu que Zohéir ne possédait pas de montre et que, de toute façon, ne savait pas lire l’heure. Mais le soleil l’aidait bien assez.

Le jeune elfe suivit des yeux un/une animux sous sa forme de renard. Puis un/une autre sous sa forme de chien. Un groupe d’enfant suivit bientôt, se courant après dans la ruelle. Parfois, l’un d’eux se transformait pour échapper à son poursuivant. Zohéir sourit intérieurement. Lui aussi il avait joué à chat étant petit. Mais quand un gamin heurta un adulte sous forme humaine, celui-ci s’énerva et vociféra quelque chose. Après quoi, les enfants désertèrent la rue. Le mince sourire intérieur de Zohéir s’effaça. La ruelle se vida peu à peu. Non pas que la nuit approchait déjà mais c’était ainsi. Un coup peuplée, un coup désertée. Voilà le cycle incessant dans lequel résidait le sens de l’existence de cette rue. Le jeune elfe profita de cet instant de solitude pour s’assoir sur le toit, les jambes dans le vide. Mais ces quelques secondes semblèrent passer à la vitesse de la lumière lorsqu’une jeune fille apparut à l’angle de la ruelle.

Elle était vraiment très jeune, encore une enfant. Mais malgré tout, elle semblait d’une grande maturité. Elle possédait de longs cheveux châtains, aux reflets blonds, vraiment magnifiques. Grâce à sa vision développée, Zohéir put distinguer ses yeux marron. La jeune fille était fine et sa démarche était souple. Comparé aux nombreux autres passants que l’elfe avait croisés tout au long de la journée, cette enfant le fascinait. Il aurait bien voulu connaître son nom. Ou même simplement qu’elle tourne les yeux vers lui. Mais elle continua sa route d’un pas assuré, et Zohéir la suivit des yeux. Lorsqu’elle disparut à l’angle de la ruelle opposé au premier, le jeune elfe eut un instant d’hésitation. Puis il s’élança à vive allure sur les toits, sur les traces de l’enfant. Elle lui rappelait étrangement Mina, qu’il avait involontairement tué des années auparavant. Des souvenirs enfouit pendant si longtemps refirent tout à coup surface dans l’esprit de Zohéir. Il tenta de les chasser, mais rien à faire, il était prisonnier de son propre passé.

Zohéir perçut les voix des habitants du village. Ils étaient à sa recherche. Ils le traquaient. Oh oui, ils le traquaient, et pas qu’un peu. Ils voulaient sa peau, ils voulaient lui faire payer la mort de Mina. L’enfant se recroquevilla dans les broussailles où il restait dissimulé. Il aurait tant aimé que son père, ou encore sa mère, fasse soudain irruption devant lui et lui pardonne son erreur. Mais sa faute était impardonnable. Zohéir serra la garde du poignard dans ses petites mains. Il ne le quitterait plus désormais, ils étaient liés par un sombre dessein. Une larme de cristal roula sur la joue de l’enfant. Une seule. Mais qui reflétait toute la tristesse et la détresse du monde. Il était perdu maintenant. Où aller, si ce n’est dans le néant ? Que faire, si ce n’est se suicider pour abréger ses souffrances ? Zohéir se recroquevilla davantage sur lui-même et ferma les yeux, cherchant désespérément le sommeil pour quitter ce monde imparfait. Mais, à l’instar de d’habitude, les rêves ne vinrent pas. Ni le repos. Juste le noir. Juste le vide. Juste le néant.

Zohéir secoua vivement la tête comme pour chasser ces mauvais souvenirs. Cela l’importait plus, il ne pouvait pas changer le passé. Ce qui est fait est fait. L’elfe se concentra sur la jeune fille qu’il avait rattrapée. Elle marchait lentement dans la ruelle et ses pas sur les pavés résonnaient sur les murs qui l’encadraient. Mais cet environnement glauque ne semblait pas l’atteindre mentalement. Elle n’envisageait pas que n’importe quel malade mental pouvait lui sauter dessus à tout moment. Elle était sûre d’elle. Après tout, il n’y avait pas vraiment de quoi s’inquiéter pour l’instant. Mais dans une heure, le soleil serait couché et quand la nuit tombe, les loups sortent. Constatant que personne ne se trouvait dans la ruelle, Zohéir décida de descendre. Il avisa une gouttière et se laissa glisser jusqu’au sol. Là, il patienta dans le fin entrebâillement obscur entre deux habitations. Quand la jeune fille passa près de lui sans l’apercevoir et qu’elle l’eut dépassé, l’elfe sorti de sa cachette et se mit à la suivre, longeant les murs pour accroître sa furtivité. Il savait que c’était risqué de la suivre ainsi. Si elle se retournait, il n’aurait pas le temps de se cacher et serait repéré. Mais il s’en fichait. Il voulait à tout prix savoir où se rendait la jeune fille. Il voulait comprendre cette étrange ressemblance avec Mina. Il voulait savoir s’il était capable de se contrôler et de ne pas la tuer.

[J'ai faim mouhahaha. Tu es vachement doué pour les RP ^^]

Sarah était chez elle, il n'était même pas midi, et la jeune fille était toujours chez elle. Il fallait peut être sortir ! Sarah mit une veste, des chaussures et sortit de chez elle.

Dehors, des enfants courraient dans les rues, d'autre se transphoraient ... Sarah, elle aimait bien marcher en t'en que louve, mais là, elle ne voulait pas se transphormer ... Ou pas de suite .. Elle s'avança, d'un pas souple dans les ruelles, elle ne savait pas vraiment ou elle allait, mais elle savait qu'elle ferait un petit tour et qu'elle rentrait ensuite.

Quand elle avança un peu plus loin de chez elle, la jeune fille huma l'air. Comme elle était une animux, elle possèdait un très bon flaire, en humant l'air, la jeune fille, sentis l'odeur d'une personne qu'elle n'avait jamais rencontré, enfin, une odeur inconnu .. Elle continua son chemin dans les rues, sans rien dire et sans s'arrêter.

Peu de temps plus tard, l'odeur disparut petit a petit .. Mais c'est en passant dans une ruelles très étroite qu'elle resentit l'odeur de l'inconnu .. On l'espionnait ? Sarah fit comme si de rien était. Mais d'un coup, elle n'eu pas besoin de se consentrer que l'odeur vint a elle, mais l'odeur était forte .. elle savait .. Il s'agissait surement d'un elfe, elle reconnaissait très bien leurs odeurs. Elle ne tourna pas la tête et continua son chemin. Comme une louve, l'ouîe elle aussi très développer, elle entendit des bruits de pas derrière elle.

Elle ne perdit pas de temps et se retourna. Derrière elle, une jeune garçon, pas très vieux. Sarah lui donnerai 15 ans, phisiquement. Elle regarda alors ses oreilles, longues, pointus, il s'agissait bien d'un elfe, ses cheveux étaient noir et courts, quelqu'un qui paraissait plutôt sympatique.

-Tu m'espionne ? Qui es-tu ? Tu n'es pas du coin ..

[Merci ^^ Je te retourne le compliment]

Mais le flaire aiguisé de l’animux trahit Zohéir. Au bout de quelques instants, la jeune fille se retourna brusquement et lui fit face. Il planta ses yeux bleu profond dans ceux noisette de la jeune fille et put enfin la détailler. Elle avait le visage fin et était effectivement très jeune. Elle semblait insouciante mais dans ses yeux brillait beaucoup plus de sagesse qu’elle n’en laissait paraître. L’elfe resta là, incapable d’exécuter le moindre geste. Il n’avait pas peur, ça non, mais l’image de Mina le hantait. Il ne put détacher le regard de la jeune fille.

- Tu m'espionnes ? Qui es-tu ? Tu n'es pas du coin...

Zohéir était tenté de répondre mais à peine ouvrait-il la bouche que ce nœud se formait dans sa gorge et l’empêchait de parler. C’était une barrière, une limite qu’il ne pouvait franchir. Et cela depuis qu’il avait commis ce meurtre des années auparavant. Il ne pouvait se résigner à lutter contre lui-même. Alors, incapable de lui répondre, il recula d’un pas, le regard tout à coup perdu. Il ne savait plus quoi faire. S’enfuir ? Rester ? Il aurait pu passer des heures à l’observer, tout comme il regardait inlassablement passer les animux du haut du toit. Instinctivement, après que la jeune fille eut prononcé ces mots, Zohéir mit la main sur la garde de son poignard. Il recula de nouveau d’un pas. Cela faisait bien longtemps qu’on lui avait adressé la parole et qu’on l’avait remarqué. Oui, c’était surtout cela. Habituellement, il passait inaperçu, se contentant de faire sa vie de son côté et les autres, du leur. Mais il aurait peut-être préféré que cela ne change jamais. Que le monde reste ainsi et continu de tourner sans prendre attention aux gens qui tombent et ne se relèvent plus. C’était ainsi.

Zohéir hésita longtemps à s’enfuir. Partir loin, quitter Lansline et ne plus jamais revoir cette fille qui l’effrayait tant. Faute de sa ressemblance frappante avec Mina. Mais d’un autre côté, cette animux était peut-être un moyen pour que le jeune elfe quitte sa prison, sorte de sa bulle. Car la sphère du temps ne s’arrêterait pas pour lui, elle continuerait de dévaler sa pente inexorable sans le remarquer. Qu’elle égoïste. Le monde lui-même n’était qu’un amoncèlement de mégalomanes qui font régner leurs lois imparfaites.

Le soleil se couchait. La nuit remplacerait très bientôt le règne du jour. La lune était la complice de Zohéir, mais le serait-elle avec la jeune fille ? La faible lumière du soleil couchant illuminait tant bien que mal la ruelle et les ombres des deux jeunes gens se prolongèrent sur les pavés, bientôt immenses. Une bourrasque de vent balaya quelques débris de la rue et le vent se leva quelque peu, mais pas assez pour faire frissonner Zohéir. Il ne bougeait pas, ses yeux de chat bleus brillant d’appréhension, une main toujours posée sur la garde de son poignard et l’autre, le poing serré. La fille finirait par partir, il le savait. Elle allait disparaître elle aussi, comme les étoiles lorsque le jour se lève. Disparaître sans laisser de traces.

Puis finalement, il se décida enfin bouger. Il s’approcha prudemment d’un mur de béton décoloré et dégarni. La jeune fille voulait connaître son nom ? Zohéir s’en souvenait. Il ne l’avait dit à personne. Mais il y a un début à tout. Il dégaina sa dague à la garde en forme de serpent et s’entailla un peu le doigt. Il appuya sur les bords de la plaie pour faire couler un peu de sang et, avec celui-ci, traça sur la façade un unique mot : ZOHEIR.

[Bah je sais pas, il est jeune. Il doit avoir 16 ans physiquement, pas plus.]

La jeune fille sembla hésiter. Elle ne comprenait pas, c’en était certain. Zohéir ne sut quoi faire d’autre. Il ne savait pas comment expliquer le sentiment qu’il ressentait maintenant. De la peur, mêlée de mélancolie et de fascination. Si seulement les flash-back étaient possibles et que l’on pouvait remonter le temps. Comme ça, le jeune elfe n’aurait pas essayé de suivre l’enfant dans les rues. Il aurait dû se contrôler, oublier Mina et attendre que la nuit se lève pour fixer un point invisible dans l’obscurité, à attendre le jour dans cette position. Une sorte de compassion passa dans les yeux de la jeune fille.

Puis elle fit ce que redoutait le plus Zohéir, elle s’approcha lentement, à pas menus. L’elfe se crispa. Quand elle fut à un mètre de lui, il serra les dents. Mais elle s’arrêta là. Ensuite, elle tendit une main hésitante vers lui, pour le toucher. Zohéir tressaillit et recula. Sa main tenant le poignard tremblait. Il était paralysé par la peur. Oui, parce qu’un misanthrope, ça n’apprécie pas la présence d’autre personne mais ça en a peur, surtout. Dans la bulle à Zohéir, il n’y a que lui. Pas de conscience, pas d’âme, seulement lui. Quand il est contraint de tuer des gens, c’est différent. Il ne ressent que haine envers eux et il lui ait facile de les approcher. Mais être comme ça, face à face avec une enfant, comme peut-il savoir comment réagir ? Et même le fait qu’ils soient de la même alliance ne rassurait pas l’elfe.

- Que t'arrive-t-il ?

Vous ne pouvez pas savoir comme il est frustrant de se trouver devant une personne, si jeune en plus, qui ne vous comprend pas. Elle était plus jeune que lui d’au moins trois à quatre ans et elle semblait mieux comprendre le monde. Ce put*** d’indomptable. La jeune fille observa de nouveau le nom écrit en sang sur le mur. Elle avait sûrement compris de quoi il s’agissait. Comprendrait-elle aussi que Zohéir ne pouvait pas lui répondre ? Qu’il en était incapable, même s’il ne désirait ? Et le pire était de savoir qu’il n’était pas muet.

La lune s’était levée, majestueuse dans le ciel nocturne. À cet âge-là, la jeune fille devait sûrement avoir des parents qui l’attendaient chez elle, peut-être même morts d’inquiétude. L’elfe avait oublié la chaleur d’un foyer, l’amour familial. Son doigt lacéré, que très peu coupé, avait arrêté de saigner. La jeune fille sembla se rendre compte elle aussi qu’il se faisait tard pour rester dehors. Comme prise de pitié pour le pauvre misanthrope qu’était Zohéir, elle lui tendit prudemment la main. L’elfe avait le cœur qui battait la chamade. Ses yeux passaient de l’enfant à sa main tendue. Il était encore plus perdu que tout à l’heure. Que devait-il faire dans cette situation ?

D’une main, il serra la garde de son poignard qu’il avait rengainé et avança l’autre de la main de l’enfant. Il hésita durant de longues minutes, observant la main comme un trésor. Puis, du bout des doigts, il effleura ceux de la jeune fille dans un geste presque affectueux. Ils étaient chauds. Zohéir renouvela l’expérience, la bouche mi-ouverte devant sa découverte. Il ne s’était jamais imaginé que la peau d’une personne hors de sa bulle pouvait être douce et chaud. Qui inspire tant confiance. Puis il recula la main d’un geste vif. Il se rendait compte qu’il venait de toucher la jeune fille. Il recula de nouveau d’un pas.

Les étoiles étaient apparues dans le ciel nocturne, scintillant dans l’espace. Zohéir se surprit à vouloir connaître le nom de la jeune fille. Il voulait pouvoir poser un nom sur son beau visage. Il voulait pouvoir lui faire confiance. Il ne voulait plus être seul, perdu. Misanthrope dans sa bulle, dans son monde.

[xD Non, je pense que Sarah est un peu jeune pour avoir une vraie relation. Et ç’aurait été compliqué avec Zohéir. Mais ils peuvent juste être amis, ce sera déjà bien x) Encore merci de ta patience ^^]

La jeune fille recula d’un pas et s’assis à un mètre de Zohéir. Elle était déjà bien patiente pour son âge mais sûrement trop jeune pour comprendre la maladie de l’elfe. La misanthropie est assez compliquée… Elle devait le prendre pour un vrai trisomique mais ça, Zohéir s’en fichait. Qu’elle pense ce qu’elle veut, tant qu’elle restait devant lui, ça lui était égal. La jeune fille resta là, assise au sol, et sembla réfléchir.

Finalement, sans pour autant bouger, elle inspira profondément. La patience est quelque chose de fragile, qui peut très vite de briser.

- Ecoute, je ne te veux aucun mal... Mais il faudrait t'amener au chaud, tu n'es pas vraiment en état de rester dehors… Surtout que la nuit arrive…

Zohéir avait raison, elle le prenait pour un malade mental. « tu n'es pas vraiment en état de rester dehors » genre qu’il était capable de rester sur n’importe quel passants (bien que très rares ici vu qu’il faisait nuit) et de le tuer à coup de dague. Quoique qu’elle n’avait pas si tort que ça, la gamine… Zohéir ne comprenait pas pourquoi la fille tenait tant à acquérir sa confiance. Lui, c’était ce qu’il voulait, cela l’arrangeait. Mais elle, en quoi elle y gagnait ?

Pour la première fois depuis leur rencontre, Zohéir avança de quelques pas et rejoignit la jeune fille assise. Il l’observa de haut, vu qu’il était quand même plus grand qu’elle. Quelqu’un de normal (oui, toujours…) aurait eu peur, là, devant un elfe aux réticences étranges. Mais elle, elle ne bougea pas, se contentant de le fixer. Zohéir savait qu’elle ne lui ferait aucun mal. De toute façon, si elle tentait quoi que ce soit, l’elfe userait de son poignard pour la contrer. Mais sa réticence à être en compagnie d’une personne de chair et de sang l’empêchait de s’approcher davantage.

« Mais il faudrait t'amener au chaud » Au chaud ? Chaud comme ses doigts ? Zohéir avait eu raison, la jeune fille avait bien une maison et sûrement des parents. Peut-être même des frères et sœurs, qui sait. Il avait envie d’y croire. Mais il était loin de se douter que l’enfant était en fait orpheline. Lui, il n’avait pas connu cette douleur mentale. C’était lui qui avait quitté ses parents, et non l’inverse. Ils n’étaient pas morts, ni malades. Ils avaient été des parents normaux, qui te grondent lorsque tu fais des bêtises, qui sourient quand tu ris, qui te prennent dans les bras quand tu pleures.

Un chat feula dans une ruelle proche. Zohéir n’y prit pas attention. Il fixait la jeune fille. Sa peur s’était quelque peu dissipée. Seuls les battements rapides de son cœur trahissaient sa détermination. Il voulait aller vers la chaleur.

Le vent se leva de plus en plus et traversa les fines guenilles de Zohéir. Mais il le connaissait bien, le vent, il était devenu un voisin commun. Il ne se rendait plus compte des frissons parcourant son corps. La jeune fille non plus ne semblait pas atteinte par le froid. Des nuages voilèrent la lune et les étoiles, peu à peu. L’obscurité s’épaississait et les yeux bleu profond de Zohéir luirent dans la nuit. Des débris virevoltèrent sur les pavés. Le chat s’était tu, tout comme les cris de joie des enfants. Les deux adolescentes ressemblèrent bientôt à deux ombres. Les réverbères s’illuminèrent enfin.

Puis la jeune fille se releva lentement, sans s’avancer trop, ce que Zohéir ne manqua pas de remarquer. Elle avait compris cela, c’était déjà bien. Le réverbères près des deux adolescents clignota irrégulièrement durant quelques instants et finit par s’allumer enfin complètement. La jeune fille déclara finalement :

- Tu vas me suivre, on va aller chez moi…

Sur ces mots, elle se retourna et repris sa route dans la ruelle. Zohéir tendit désespérément la main vers elle, comme pour la retenir. Mais seul le vent répondit à son appel de détresse. La jeune fille disparut bientôt dans l’obscurité. Elle devait savoir qu’il ne servait à rien de tenter de faire parler Zohéir ici. De toute façon, où qu’ils soient, cela ne changera rien. Mais peut-être pourrait-elle mieux communiquer avec lui dans un endroit chaud, qui inspire confiance.

Zohéir finit par sortir de sa torpeur et s’élança sur les talons de la jeune fille. Ç’aurait pu être un piège, il s’en fichait. Il avait confiance, il la suivait elle. Il suivit Mina. Les rues étaient maintenant désertes à cette heure tardive. L’elfe imagina la peur que devait ressentir les parents de la jeune fille. Ils avaient dû s’imaginer un scénario impossible où leur fille serait tombée face à face avec un criminel. Ce qui n’était, à vrai dire, pas totalement faux.

Zohéir n’eut pas de mal à rattraper la jeune fille, qui marchait d’un pas décidé. Elle ne se retournait pas pour voir si l’elfe était bien derrière elle, elle continuait sa route, impassible. Mais Zohéir savait qu’elle le sentait, avec son flair d’animux. Elle devait être certaine qu’il était derrière elle. Ses pas résonnèrent sur les pavés des rues. L’elfe, lui, tentait d’être le plus discret possible, comme pour ne pas briser l’intimité de la nuit.

Bientôt, la jeune fille s’arrêta devant une maison. Elle l’observa longuement avec une pointe de mélancolie dans les yeux. Ce fut à cet instant que Zohéir comprit que l’enfant n’avait plus de parents. Le destin avait-il été créé pour détruire tout ce qu’il y avait de beau sur Esephia ? L’elfe commençait de plus en plus à y croire. La maison était plutôt grande, le type exact de bâtiment coloré qui se trouvaient à Lansline. La couleur de la façade ne se laissait pas distinguer facilement dans l’obscurité.

Zohéir pensa à la tristesse que la jeune fille devait ressentir en cet instant précis mais ne parvint pas à ressentir de la compassion pour elle, même en s’y forçant. Il aurait voulu que tous les gens souffrent autant qu’eux pour voir si après, ils étaient encore capables de diriger ce monde imparfait.

La jeune fille se retourna, le sourire aux lèvres. Elle semblait étrangement surprise mais heureuse que Zohéir l’ai suivi. Si l’enfant était heureuse que l’elfe la suive, ce dernier était capable de la suivre jusqu’au bout du monde. Maintenant, il n’était plus seul de toute façon. Il mourrait d’envie de connaître l’histoire de cette jeune fille, de savoir quel état son élément. Il avait envie de mieux la connaître. Et surtout, plus que tout, de connaître son nom. C’était un bon départ de connaître le nom d’une personne, vous ne trouvez pas ? En tous les cas, Zohéir pensait que oui.

La jeune fille s’approcha de l’entrée, sorti une clé de sa poche et ouvrit la porte dans un déclic sonore. Elle entra sans hésiter et sans regarder si Zohéir la suivait ou non. Mais elle devait sûrement avoir en tête qu’il la suivrait quoi qu’il arrive. Il était déjà aller trop loin, autant continuer d’avancer maintenant. La jeune fille laissa volontairement la porte ouverte pour laisser entrer l’elfe mais ne s’assura pas qu’il la suivait. L’air froid s’engouffra dans la grande maison, qui n’était plus déserte désormais.

Zohéir n’hésita presque pas et s’engouffra dans la demeure. Pour lui, les mots « maison » ou « chez moi » signifiait « chaleur », c’était tout ce qui l’intéressait. Lorsqu’il passa le seuil, il referma à la hâte la porte pour empêcher l’air d’entrer. Il faisait chaud. L’elfe sourit intérieurement. Alors que la jeune fille accrochait sa veste à un porte-manteau, Zohéir s’éclipsa dans une pièce voisine. La cuisine. Une table de bois était disposée en son centre et, sur les étagères, quelques vieux instruments de cuisine trônaient, immobiles. Ils n’avaient pas dû servir depuis bien longtemps. Ce qui était logique vu que, si l’hypothèse que l’enfant n’avait plus de parents était vraie, la gamine ne devait pas vraiment savoir bien cuisiner. Une casserole se trouvait sur une plaque de cuisson qui ne chauffait pas. Le robinet gouttait inlassablement et ses Ploc Ploc résonnaient sinistrement dans la pièce carrelée. L’obscurité régnait et Zohéir ne prit pas la peine d’allumer la lumière. Il n’en avait pas besoin, sa vue nocturne faisait le travail. L’elfe fit quelques pas et cette fois-ci, se furent ses pas qui résonnèrent sur le carrelage. Un réfrigérateur blanc immaculé se trouvait dans un coin, comme abandonné. Zohéir observa la pièce encore un instant puis retourna dans le hall d’entrée. La fille n’y était plus.

L’elfe avisa un escalier et le gravit. Il arriva devant une porte, l’ouvrit lentement et passa sa tête par l’entrebâillement. Un halo de lumière venant du hall s’engouffra dans la pièce, qui était en fait une chambre. Munie d’un simple lit aux draps blancs et d’un bureau en piteux état, elle était assez exigüe. Sur le bureau, une lampe de cheveux trônait et, près d’elle, une vieille tasse qui servait de porte stylos et crayons. Une chaise de bois se trouvait devant la table et des feuilles de papiers blanches étaient éparpillées sur celle-ci. Zohéir s’approcha, presque fasciné. Il ne savait pas écrire mais connaissait l’alphabet. Vu que c’était une des seules choses intelligente qu’il se rappelait, il l’avait répété des centaines de fois pour ne pas l’oublier. Il s’empara maladroitement d’un crayon et d’une feuille avant de dévaler les escaliers de nouveau.

Il fit ensuite irruption dans le salon, où la jeune fille se trouvait assise sur le canapé. Elle savait que Zohéir la rejoindrait, elle était vraiment médium cette fille. L’elfe s’approcha prudemment et s’assit en tailleur devant l’enfant, sur le sol. Le parquet était froid mais peu lui importait. Il disposa la feuille devant lui et se mit à écrire. Oui, écrire est un bien grand mot. Il se mit plutôt à dessiner des lettres. Quand il eut finit, il brandit la feuille devant lui, face à la jeune fille. Dessus, inscrit maladroitement en lettres majuscules : « TOI ? » Il voulait savoir son prénom, la curiosité était trop forte, le besoin de l’appeler.

[Ouais, je sais pas que tu es une louve, à toi de me l’apprendre. Et ça serait cool aussi que je sache de quel élément tu es.]

La jeune fille observa le mot que Zohéir avait inscrit. Celui-ci reposa la feuille devant lui et le stylo, attendant patiemment sa réponse. Toute sa vie, il n’avait pratiquement fait qu’attendre, en particulier sur les toits des villes. Quelques minutes de plus ne le dérangeaient pas le moins du monde. L’enfant semblait troublée. Elle ne devait pas comprendre pourquoi l’elfe ne lui adressait pas la parole directement. Mais s’il l’avait pu, il l’aurait fait volontiers. Malgré tout, Zohéir trouvait assez pratique le fait de ne pas parler. Il liait ainsi une sorte de complicité avec les rares (très rares…) personnes qu’il rencontrait.

La jeune fille finit par descendre du canapé et s’assit par terre devant l’elfe, gardant prudemment un bon mètre en lui et elle.

- Je m'appelle Sarah.

Sarah… Zohéir analysa et grava le nom dans son esprit. Il ne risquait pas de l’oublier. Cette jeune fille se nommait donc Sarah. L’elfe était satisfait de cette réponse, il aimait bien ce prénom. L’enfant se saisit rapidement du crayon et de la feuille. Zohéir l’observa, curieux de savoir ce qu’elle était en train de faire. Elle écrivit quelque chose et lui montra la feuille. Dessus, elle avait inscrit en toutes lettres son prénom, que l’elfe peina à déchiffrer : « SARAH ». Puis elle enchaîna avec la question que Zohéir redoutait le plus, mais qui devait bien être posée un jour ou l’autre :

- Pourquoi tu ne parles pas ?

Zohéir serra les dents. Dit comme ça, la question semblait étrange vu que, comme il ne parlait pas, il ne risquait pas de lui répondre. Mais peut-être Sarah pensait-elle qu’il allait lui écrire ? Il aurait bien voulu. Enfin, s’il en avait été capable. Malgré tout, il se saisit quand même de la feuille et du crayon. Entre temps, il s’était rapprocher de la jeune fille et ne se trouvait plus qu’à un pas d’elle. Mais ses peurs s’étaient dissipées. Il inscrivit une croix sur la feuille, tentant de lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas. Si Sarah croyait qu’il était muet, c’était peut-être plus pratique. Comme ça, elle n’essayerait pas de le faire parler.

Zohéir observa la jeune fille quelques instants, essayant de discerner dans son regard un brin de compréhension. Avait-elle compris son message ? Il en doutait. Mais il enchaîna et écrit difficilement sur la feuille : « PAREN T ? » C’était vrai que, depuis qu’il était arrivé dans la maison de Sarah, il n’avait trouvé aucun signe de quelconque mère et père. Mais il avait trouvé la chaleur, c’était déjà ça. Zohéir se demanda si ça question avait été trop indiscrète ou si Sarah l’avait vraiment comprise. Peut-être cela lui faisait-il mal, intérieurement d’en parler. Après tout, elle était bien jeune pour pouvoir supporter une quelconque séparation de son père et de sa mère. L’elfe avait vécu ça dans le passé et il ne le souhaitait à personne, surtout pas à elle. En tous les cas, si elle devait supporter d’être orpheline, elle était bien courageuse. Et tout portait à croire qu’elle l’était vu que, à part eux deux, la maison était déserte.

[Non, pas taper xD Ouais, appelles le Zo si tu veux. Tu tiens vraiment à ce que Zohéir parle ? x)]

- Je vis seule.

Oui, ça, Zohéir avait remarqué. Il voulait savoir ce qu’étaient devenus les parents de Sarah, le pourquoi du comment. Il voulait connaître son histoire. Mais apparemment, elle ne voulait pas approfondir le sujet. Et ça, l’elfe le comprenait et le respectait. Il ne tenta donc pas d’en savoir plus. La maison était donc belle et bien déserte. Le silence se fit pensant. Zohéir ne soutint pas plus longtemps le regard de la jeune fille et reprit la feuille et la feuille et le crayon qu’il avait posé.

Quel était le rêve de Sarah ? Qu’avait-elle l’intention de faire de sa vie ? L’elfe y prenait grande attention vu que, lui, il ne semblait pas avoir de propre destin, de chemin à suivre. Sa route c’était finie le jour où il avait tué Mina. C’était un chemin de fer que l’on construisait et que, arrivé au-dessus d’un gouffre, on désespérait et l’abandonnait dans sa construction inachevée. Et quel était l’élément de Sarah ? Etait-elle une mage ? Etait-elle puissante ? Zohéir n’appréciait pas beaucoup la magie, sûrement parce qu’il n’arrivait pas à la contrôler. Et sans maître pour apprendre, c’était dur. Mais l’enfant, elle avait encore beaucoup de cartes à jouer, malgré qu’elle vive seule. Il ne fallait pas qu’elle les gâche comme l’avait fait le jeune elfe.

Zohéir empoigna plus fermement le crayon et écrivit sur la feuille : « MAGIE ? » Il pensait que, cette fois-ci, Sarah comprendrait assez facilement sa question. Enfin il l’espérait. L’elfe releva la tête et jeta un coup d’œil à la fenêtre derrière le canapé. La nuit était tombée depuis longtemps maintenant et plus aucun animux ne se promenait dans les rues. En parlant d’animux, Sarah, elle, en quel animal se transformait-elle ? Zohéir trouva cette question très pertinente et inscrivit sur la feuille, près de sa première question : « ANIMUX ? » Il ne savait pas vraiment comment cela s’écrivait mais, après l’avoir déchiffré sur quelques affiches, il pensait ne pas s’être trompé.

Il n’avait pas besoin de préciser à Sarah que, lui, il était un elfe. Elle l’avait sûrement déjà remarqué. Des centaines de question se bousculaient dans l’esprit de Zohéir. Il avait tellement envie de toutes les poser à la jeune fille. Mais prendrait-elle la peine de répondre à un inconnu qui ne répond même pas directement à ses propres questions ? L’elfe en doutait. Malgré ses doutes, il écrivit une nouvelle question sans laisser le temps à Sarah de répondre aux autres : « ÂGE ? » Oui, c’était aussi un bon début de connaître l’âge de la personne qui vous invite chez elle, non ?

Zohéir s’approcha un peu plus de Sarah et lui tendit la feuille. Il l’observa pendant qu’elle lisait les questions. Dans l’obscurité de la pièce (car oui, aucun des deux n’avaient eu la brillante idée d’allumer la lumière. Le jeu de mots n’est pas volontaire.) ses cheveux avait une magnifique couleur. Ses yeux bleus brillaient mais Zohéir ne sur définir quel était le sentiment qui se laissait dans le regard de Sarah. Mais en tout cas, il n’y avait pas de trace de peur. C’était rassurant d’avoir quelqu’un près de sois qui se sent rassuré.

- J'ai 12 ans, mon élément est l'eau et oui je suis bien une animux. Je suis un loup.

Douze ans… oui, Zohéir aurait pu s’en douter. Il avait eu tout de même raison, Sarah était jeune. Trop jeune pour vivre seule en tout cas. Comment supportait-elle cela chaque jour ? Elle était une louve… c’était intéressant. Les loups étaient de loyaux et fiers animaux. Mais qui pouvaient se montrer redoutables. Zohéir planta ses yeux bleu profond dans ceux de la jeune fille.

Il s’approcha encore d’elle, jusqu’à n’être qu’à quelques centimètres. Sarah ne bougea pas, elle ne semblait pas apeurée. Non, elle n’avait pas peur de lui. Et lui non plus, maintenant. L’elfe avança sa main et la posa sur la joue de la jeune fille. C’était un geste affectueux, bien plus doux que ce que Zohéir ce serait crut capable. La peau de Sarah était chaude et douce. En même temps, l’elfe effleura ses cheveux châtains, dont quelques mèches tombaient devant son visage.

Il savait le souvenir de parents que l’on a perdu douloureux. Mais la jeune fille ne baissa pas les yeux pour autant et ce fut l’elfe qui fut malheureux pour elle. « Je vis seule. » elle avait prononcé ces mots sans aucune sensation. Ni tristesse ni peine. Une réponse si vide. Zohéir avala sa salive et ouvrit la bouche.

- Tu…

Il ferma les yeux et se concentra pour réussir à terminer sa phrase.

- …n’es plus… seule…

Zohéir se recula dans un coin de la pièce, les genoux ramener vers lui. Plus que jamais, il sentait le regard de Sarah peser sur lui. De simples mots pouvaient-ils faire si mal que cela ? L’elfe ne se sentait pas prêt à parler de nouveau, pas après tant d’années. Pourtant, avec la jeune fille, il aurait tout fait pour ne pas la voir triste. Ses pupilles de chat s’étrécirent. Dans toute sa vie, il n’avait jamais senti quelque chose d’aussi fort, d’aussi unique qu’un mot. Même la Lune ne pouvait l’égaler. Mais en contrôler ne serait-ce qu’un seul relevait du défi, en tout cas pour Zohéir, privé de parole depuis tant d’années.

Maintenant, il ne pouvait plus quitter une des seules personnes de ce monde qui l’avait entendu parler. Et qui lui avait fait connaître la chaleur. Il voulait l’aider, autant qu’elle l’avait aidé lui en lui tendant la main la première fois. Il voulait la soutenir, dans ses rêves, dans le but qu’elle s’était peut-être déjà fixée pour son avenir. Peut-être alors la vie de Zohéir prendrait-elle ne tournant qu’il attendait. Elle aurait enfin un sens autre que celui de comprendre les gens dans leurs paroles, dans leurs mots, dans leurs regards. Une existence ailleurs que sur les toits des villes, à observer les passants dénués de sens. Il ferma les yeux. Il savait que ses mots n’atteindraient pas Sarah autant qu’ils l’avaient atteint lui. Mais à vivre continuellement avec l’incompréhension des autres dans les yeux, il avait appris à lutter contre le désir de se faire comprendre à son tour.

Sarah ne bougea pas durant quelques instants. Elle semblait troublée, choquée. Elle finit par se mettre à quatre pattes et s’approcha de Zohéir. L’elfe ne fit pas un geste lorsqu’elle s’assit près de lui et que leurs coudes se touchèrent. Lui aussi était perturbé par ses propres mots. Mais la présence de la jeune fille près de lui le réconforta quelque peu. Il avait raison, tous deux n’étaient plus seuls désormais. Sarah observa Zohéir et finit par lui demander :

- Tu es seul toi aussi ?

L’elfe acquiesça avec peine. Il ferma les yeux et se força à réfléchir. Tout à un coup, un nouveau monde s’était ouvert à lui. Il avait plongé dans les yeux de cette fille et avait comme remonté le temps, à l’époque des rires et des sourires. De la chaleur et de la compassion. Etait-ce cela le « bonheur » ? Etait-ce comme cela que l’on disait « être heureux » ? Zohéir se sentit soudain coupable. D’avoir droit à cette joie, cette sérénité, alors que d’autre non, il le savait. Fallait-il souffrir autant que lui pour pouvoir goûter à la paix ? La peur de côté. Malgré tout, aucune larme de vint à lui. Ç’aurait pu être une larme de joie ou de nostalgie, mais rien. Zohéir la regretta, cette larme, celle pour évacuer toute sa peine. Mais peut-être aurait-elle emporté dans son sillon son bonheur ?

L’elfe baissa la tête. Ses mèches noires comme le charbon tombèrent devant son visage et il ne prit pas la peine de les retirer de devant ses yeux clos. Puis Zohéir se releva et ramassa la feuille de papier et le crayon. Il revint s’assoir près de Sarah, dans la même position, et écrit de nouveau : « MOI RESTE AVEC TOI. » Ce n’était pas une question cette fois-ci, c’était une affirmation. Il ne comptait pas la quitter. Pas maintenant en tout cas. Pas alors qu’il venait de faire la rencontre s’intitulant « Elément Modificateur » de sa vie.

Le vent souffla et les carreaux des vitres vibrèrent quelques peu. Alors qu’il n’était que brise quelques minutes plus tôt, il semblait fort désormais. Mais il était libre, lui. Solitaire peut-être, mais libre. Zohéir écouta le son des bourrasques quelques secondes. Elles donnaient un air sinistre à la ville, sombrée dans l’obscurité de la nuit. La lune était voilée par des nuages noirs. L’elfe n’aimait pas la pluie et il espérait qu’il n’allait pas pleuvoir. L’eau était la seule chose qui pouvait le faire parfois bouger de son toit pour se mettre à l’abri. Car ni le froid, ni la canicule ni étaient arrivés jusqu’à présent.

Zohéir posa ses yeux sur Sarah, attendant sa réaction. Il aurait été presque impossible qu’elle accepte l’elfe à ses côtés. Mais celui-ci essayait toujours. Il avait retenu la maison, il pourrait revenir la voir quoi qu’il arrive. Mais pour lui dire quoi ? Eh ouais, c’est ballot ça. Pour ne pas être vulgaire. Zohéir savait que les vrais amis, les vrais compagnons, riaient, parlaient, approuvaient. Ils communiquaient entre eux. Ils se comprenaient. C’était plus difficile de communiquer avec un misanthrope, ça c’est sûr. Et pratiquement muet, par-dessus le marché.

[Ok. Ceci est donc le dernier post de ce rp ^^]

À la plus grande stupéfaction de Zohéir, Sarah lui sourit. Un sourire sincère. Pas le genre de sourire désabusé ou moqueur. Un vrai. L’elfe observa la jeune fille, la bouche mi-ouverte, comme un enfant devant un supérieur. Car oui, elle, elle avait un rêve, pas lui. Elle possédait ce que Zohéir désirait le plus au monde : un avenir. Il l’enviait. Oh oui, il l’enviait. Il se sentit soudain égoïste et, sans trop y croire, il espérait qu’avec elle, il trouverait lui aussi un destin.

Sarah prit la feuille de papier et le stylo et les posa sur une table. Tout comme Zohéir, elle posa les yeux sur la fenêtre qui tremblait légèrement à cause du vent. Quand elle posa les yeux sur l’elfe, ce dernier tressaillit quelque peu. La jeune fille s’approcha du misanthrope. Celui-ci l’observa venir avec un regard interrogateur. Lorsque Sarah le souleva par le bras, il écarquilla les yeux. Cette fois-ci, ce n’était pas lui qui l’avait touché. C’était elle.

Zohéir n’eut pas vraiment le temps de réagir que la jeune fille l’emmenait avec elle. Ils montèrent les escaliers et elle lui ouvrit une pièce qui semblait être une chambre. Elle l’observa et lui annonça, le sourire toujours au visage, ce qui réchauffa le cœur vide et glacé de l’elfe :

- Tu dors là cette nuit et demain on met les voiles !

Zohéir mit quelques secondes à réagir. Sarah le relâcha et s’enfonça dans sa chambre avant de fermer la porte derrière elle. Pour la première fois depuis des années, l’elfe allait dormir dans une vraie chambre. Il y pénétra, toujours chamboulé, et ferma lui aussi la porte derrière lui. Il n’alluma pas la lumière. Non. Les ténèbres étaient ses alliés depuis longtemps. Il les connaissait par cœur. Dans sa tête ne cessait de se répéter la phrase de Sarah. Il allait vraiment voyager avec elle. La suivre. Être accompagné. Quitter sa solitude.

Il n’avait pas bien saisit la métaphore « On met les voiles ! » mais avait compris le sens principal, c’était le principale. Nota Bene : Ne plus utiliser de métaphores avec Zohéir. C’est noté. Dans la chambre obscure, l’elfe distingua un lit en usant de ses yeux de chats. Il s’y assit. Il hésitait à se coucher. Il se surprit à imaginer le reste de sa vie maintenant qu’il n’était plus seul. Son sombre passé le quitterait-il enfin ? Réussirait-il à l’oublier ? Mais quoi qu’il arrive, rien ne serait jamais comme avant.

Il finit par poser la tête sur l’oreille et observa le plafond quelques instants. Par une lucarne, la lumière de la lune filtrait. Les nuages s’étaient dissipés et les pâles rayons illuminaient d’un halo blanc le parquet de la chambre. Le vent s’était transformé en une brise légère qui balayait les souvenirs et les malheurs. Le calme après la tempête. Comme si rien ne s’était passé. Rien. Jamais. Comme si la vie n’était qu’un jeu, un échiquier de bois et qu’il suffisait de jeter les pièces nuisibles au feu pour faire réapparaître la paix.

Zohéir ferma les yeux. Pour, cette fois-ci, la première fois de sa vie, il s’endormit. Une étrange sensation hantait son esprit. Un calme vide de mot, mais emplit de sens. Mettre un terme sur cette sérénité aurait été un blasphème. Il fallait la laisser libre d’aller. Alors qu’un sommeil vide s’emparait de Zohéir, il murmura :

- Bonne nuit… Sarah…