Le monde d'Eséphia
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Les Nécrosoris au pouvoir, la traque commence
 
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« Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee]

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Zohéir X'enlil
Élite des Assassins ~ NeutreZohéir X'enlil
Compte Héros : « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] Ecus

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MessageSujet: « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] Icon_minitimeJeu 28 Juin - 22:04

    « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. »
    Pv Lee & Zohéir

    Le soleil était proche de l’horizon, mais tout de même assez haut dans le ciel pour illuminer de ses rayons d’or la cité de Méséria. C’était une fin d’après-midi comme une autre, plutôt calme. Charmante par le temps ensoleillé, sereine par le calme plat qui régnait dans ces rues. Quelques mètres plus loin, sur une place circulaire, un marché avait eu lieu tout au long de la journée et les commerçants rangeaient machinalement leur stand tout en échangeant des propos salaces. Quelques enfants courraient encore sur les pavés, se poursuivant comme le feraient deux ennemis, avec toujours ce même air insouciant et joyeux plaqué sur les lèvres. Leurs yeux pétillaient de vie. Un ballon roula au sol, et un gamin frappa du pied dedans. C’était étrange de les voir s’amuser ainsi avec une simple balle alors qu’au gouvernement, tout était déréglé. Une voix féminine finit par retentir et les enfants abandonnèrent leurs jeux pour rentrer chez eux avec toujours l’identique gaieté.

    Zohéir était confus ce jour-là. Il n’appréciait pas les fins d’après-midi. C’était une sorte de passage entre la lumière et l’ombre, le jour et la nuit. Il ne savait pas quoi penser de cet instant fugitif et doux, où les bonnes choses prennent fin pour laisser place à la nuit. Comme ces enfants quittant leurs jeux pour rentrer chez eux. Dans son monde à lui, Zohéir ne s’encombrait pas de tels doutes. Mais dans la réalité, qu’il était bien obligé d’accepter parfois, ces questionnements le tenaillaient. La fin d’après-midi était pour lui, en bref, quelque chose de désagréablement compliqué. Mais il était habitué à ne pas avoir de réponses, à ne pas savoir. Alors il ne s’en soucia pas bien longtemps. Ce soir-là, des choses plus importantes l’attendaient. Des choses plus personnelles aussi. Des choses qu’il n’était pas le seul à faire, mais l’unique en son genre. Des choses beaucoup moins joyeuses et enfantines que de jouer au ballon. Mais des choses tout aussi insouciantes.

    Le meurtre s’était petit à petit changer en un art dans l’esprit de Zohéir. Tout comme le combat. Pour lui, toute chose où un apprentissage était nécessaire était un art, plus ou moins sanglant, plus ou moins plaisant. À la différence de certaines personnes, le jeune elfe n’avait jamais tué par contrainte. Toujours par envie, par amusement. Parfois pour gagner de l’argent et se nourrir, mais tué restait une partie de plaisir même dans ces situations. Sous ses airs impassibles, Zohéir était quelqu’un pouvant se montrer très ludiques, lorsqu’une occasion se présentait à lui. Mais le jeune elfe n’étant pas très patient, ces jeux sanglants se terminaient plutôt vite, la plupart du temps. Au plus grand soulagement des victimes, quand le misanthrope ne les laissait pas agoniser ensuite.

    Depuis quelques jours, Zohéir était perché sur ce toit, buvant peu, ne mangeant presque pas. Il épiait un banc en contrebas où se retrouvaient tous les soirs un couple de jeunes étudiants en magie. Eux aussi, malgré leur âge, semblaient bien inconscients du danger. Le misanthrope les observait inlassablement lors de leur rencontre. Il épiait leurs gestes sans les comprendre. Sans savoir pourquoi la fille plaquait ses lèvres sur celle de l’homme. Sans savoir pourquoi ils restaient toujours collés l’un contre l’autre. N’était-ce pas gênant d’être continuellement entrelacé dans les bras d’une autre personne, à la limite de l’étouffement. Oui, vous l’aurez compris, l’amour ce ces deux jeunes gens n’atteignaient pas Zohéir. Il ne le comprenait pas. Malgré tout, il ressentait lui-même ce sentiment mais il ne pouvait le deviner seul. Et cette sensation était adressée à une femme unique. Une jeune Filante que le misanthrope avait rencontré bien des jours plus tôt, à Tivnia. Eleana. L’assassin secoua la tête comme pour chasser cette pensée. Il ne fallait pas qu’il se déconcentre. Pas maintenant.

    Même si Zohéir avait su que ces deux personnes étaient amoureuses, il les aurait tout de même tuées. Depuis le premier jour, il les avait choisis pour cible, observant leur manège en cherchant le moment propice pour commettre son meurtre. Ce soir-là, alors que le soleil déclinait déjà, le couple vint s’asseoir sur le banc bien plus tard qu’à l’accoutumé. Voilà pourquoi Zohéir avait choisi ce jour-là. Les rues commençaient à devenir désertes, les marchands avaient tous fermés leur porte. Ne restait que quelques bistrots encore ouverts, d’où des musiques entrainantes s’échappaient. Le misanthrope savait cette entreprise risquée mais descendit finalement du toit en s’aidant d’une gouttière à proximité. Lorsqu’il atteignit le sol, il perçut les paroles chuchotées des deux amoureux mais n’y pris pas grande attention. Zohéir dégaina silencieusement son poignard et s’avança dans la rue.

    Le premier à le remarquer fut le jeune homme, serrant sa copine dans ses bras. Il écarquilla légèrement les yeux et se détache d’elle pour planter son regard dans celui de l’assassin. Dès qu’il eut remarqué l’arme que tenait ce dernier, il fit un pas en arrière. La femme se retourna finalement et poussa un cri de peur. Zohéir n’était pas, techniquement parlant, quelqu’un d’impressionnant. Mais plutôt d’intimidant. Sa démarche silencieuse mais assurée, son regard où perçait la folie meurtrière qui l’habitait, ses vêtements sombres, ses armes à sa ceinture, sa tête légèrement penchée sur le côté, ses épaules affairées, etc. À peine la femme eut-elle poussée son cri que Zohéir s’élançait sur elle et fit une chose qu’il n’avait jamais fait auparavant. Avant que l’homme n’ait pu faire le moindre geste, le misanthrope enfonçait sa dague dans la bouche de la femme. La lame ressortie derrière son crâne et le sang suinta sur les lèvres de la victime, tombant ensuite sur le sol pavé.

    Après avoir fait ce geste, le jeune elfe recula en position de défense, s’attendant à une riposte de l’autre. Mais non. Ce dernier, effondré de chagrin et le visage souillé par les larmes, s’agenouilla près du corps agonisant de sa bien-aimée. Il la prit dans ses bras en sanglotant sans retenu. Comme un enfant qui aurait vu la réalité en face. Il l’appelait faiblement, sa voix n’était qu’un murmure hésitant. Il secoua le corps désormais sans vie, tentant de recueillir un peu de chaleur. Mais rien. Les yeux encore écarquillés de la jeune femme s’était éteint et, d’une geste doux, l’étudiant lui referma les paupières. Ses larmes se confondaient avec ses plaintes, il semblait dévorer la tristesse. Zohéir se sentit soudain démuni. Pourquoi cet homme s’accablait-il ainsi ? Il ne comprenait pas pourquoi l’autre tentait encore de réveiller la jeune femme. Elle n’était pas endormie, elle était morte. Mort. Un point c’est tout. Le misanthrope s’avança lentement de l’étudiant et se posta derrière lui, le poignard toujours à la main.

    « Non… Non…, soufflait ce dernier. Pourquoi elle ?... Pourquoi ?!... »

    Zohéir ne bougea pas d’un pouce. La demande du jeune homme le décontenança cependant :

    « Tuez-moi… Sinon, pourquoi lui avoir arraché la vie si c’est pour me laisser vivre ensuite ?... »

    Mais il ne voulait pas le tuer, il voulait se battre et après le tuer. Personne ne lui avait jamais demandé de l’achevé, le misanthrope se sentait étrangement mal à l’aise. Il aimait faire les choses par soi-même, et non suite à une demande de la sorte. Zohéir hésita alors pour la première fois de sa vie à tuer sa cible, mais sa folie meurtrière fut plus forte et le jeune elfe égorgea son ennemi. Pourtant, après ce geste, il ne bougea pas. Comme pétrifié devant les cadavres sanguinolents. Trop de questions sans réponse se bousculaient dans sa tête, trop de sentiments désinvoltes. Sans s’en rendre compte, Zohéir resta-là, debout près des corps sans vie, presque une heure. Finalement, ce fut un soldat en patrouille qui le tira de sa torpeur :

    « Un assassin ! Venez vite, il va prendre la fuite ! »

    Ce que fit le misanthrope sans hésiter. Il s’élança à perdre haleine dans les rues endormies de Méséria, abandonnant les cadavres à leur triste sort. Un escadron de soldats le coursait, et Zohéir accéléra l’allure pour tenter de les semer. Rien à faire. Et le pire était que c’était lui qui s’essoufflait le plus vite, et non ses assaillants. En quelques minutes, le jeune elfe fut aux portes de la ville et n’hésita pas à les franchir pour s’évader encore plus loin. Il n’avait jamais fait une si longue fuite, ses jambes commençaient à protester. Mais en même temps, il n’avait jamais vraiment été pourchassé de la sorte. Ou alors très rarement. Finalement, Zohéir discerna dans la nuit tombée une immense maison se confondant quelque peu avec l’obscurité. Il bifurqua vers elle, conscients que cela ne servirait pas à semer ses assaillants mais peut-être à les retarder. Près de ce véritable manoir se trouvait une grange délabrée. Zohéir s’y engouffra sans hésiter, s’agrippant au rebord d’une fenêtre, se hissant et pénétrant dans la vieille bâtisse de bois en cassant la vitre avec le coude. Il retomba sur un gros tas de paille séchée. L’obscurité n’était pas totalement maîtresse du lieu, et seule une petite bougie trônait sur un tabouret au centre de la grange. Et, assit sur un large siège -un siège de pianiste, mais cela, Zohéir l’ignorait- un homme ne bougeait pas, la tête tombant sur son torse, une chaîne cerclant sa cheville droite reliée à un pilier. Ses yeux étaient bandés.


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Lee
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MessageSujet: Re: « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] Icon_minitimeJeu 28 Juin - 23:17

    Il avait toujours fait froid dans la vieille grange. Toujours. Lee avait beau creusé dans ses plus lointains souvenirs, il ne trouvait aucune date où un semblant de chaleur aurait parcouru cet endroit délabré. Même l’été, la température était rude en ce lieu reclus et oublié. Presque détaché du monde. Cela dit, le plus clair du temps que le jeune esclave passait ici était le soir et la nuit. Le matin et le jour, il travaillait durement dans le manoir du Solstice, appartenant à la riche famille des Delt’as. Et les nuits sur Eséphia n’était pas signe de paix et de sérénité, bien au contraire. Symboliquement, les nuits faisaient partie intégrante de la vie de Lee, qui ne vivait que dans l’ombre de son regard perdu. Au sens propre du terme. Une obscurité sans faille peuplait l’esprit et les songes du jeune elfe. Là aussi, au sens littéral. Lee n’était pas quelqu’un de violent. Il n’avait jamais rien demandé à personne, ne s’était jamais plaint. Et pourtant, le noir en lui n’était pas près de le quitter.

    Cette soirée était une des plus belles de la semaine pour Lee. Il n’y avait qu’à cet instant, le jeudi soir, que la famille Delt’as, après son travail quotidien, se rendait aux réunions et assemblées de Méséria. Le manoir vide. C’était ce dont rêvait le jeune esclave toutes les nuits depuis bien des années. Être le seul homme à des dizaines de kilomètres à la ronde ne lui arrivait que peu souvent. Qu’un ou deux, plus rarement, jeudis par mois. Vivant recluse de la société, la famille Delt’as rentrait très tardivement de ces réunions dites « importantes ». Lee avait donc plusieurs heures devant lui. Comme tous les soirs et les nuits, il se trouvait dans la grange vétuste, la cheville droite enchaînée et reliée à un pilier pour ne pas que l’esclave puisse prendre la fuite. Ceci était le minimum des sécurités. Mais après tout, où pourrait bien partir Lee ? Plus le temps passait, plus il restait cloitré dans l’ombre et le vide de son esprit, plus le monde extérieur lui semblait hostile et dangereux. Alors que le vrai danger, vous ne pouvez le nier, se trouvait ici, aux mains de ses maîtres.

    Le jeune elfe se trouvait assit sur la banquette du vieux piano face à lui. Il songea que cet instrument délabré était bien son meilleur ami. D’un geste doux, il passa ses longs doigts sur les touches qu’il ne pouvait voir. Chaque soir, il répétait ce geste sempiternellement sans pouvoir véritablement jouer. Le son de ce piano désaccordé parviendrait bien trop vite aux oreilles de ses maîtres et il serait puni, peut-être même que les Delt’as lui retireraient cet instrument qu’ils avaient oublié dans cette grange. Mais ce soir-là, Lee était libre de laissait son âme de musicien prendre le dessus. Les notes étaient gravées dans son esprit à l’encre indélébile, plus besoin de partition. Ses fins doigts coururent encore quelques instants sur les touches immobiles et poussiéreuses, puis se stoppèrent enfin. Lee appuya simplement sur le Sol, et le son de cette note emplit la vieille grange. Le jeune elfe s’attela à quelques arpèges, qu’il transforma bientôt en une mélopée mineure.

    Le son se répercutait doucement sur les murs défoncés et le toit bringuebalant de la piètre cabane. Un amoncèlement de planches clouées et pourries trainait dans un coin, et sous une fenêtre, un amas de paille servait de couchette à Lee. Les rares fenêtraient qui laissaient pénétrer les rayons lunaires étaient pour la plupart cassées ou barricadées. Un fer à cheval, symbole de chance, ornait une poutre, celle où était reliée la chaîne de l’esclave. Et sur presque tous les murs étaient inscrits des phrases maladroitement écrites, de simples mots presque illisibles, certains vers de poèmes, de petits graffitis incompréhensibles. Pénétrer dans cette vieille grange, c’était comme entrer dans un monde étrange et douteux. Mystérieux et secret. Plus que tout, une dizaine de petites créatures noirâtres et peu translucide vaquaient dans ce sombre endroit. Elles étaient le fruit de Lee, qui les utilisaient pour pouvoir se déplacer en évitant les obstacles. Il y en avait autant seulement le soir et la nuit, là où les ombres étaient les plus importantes. Certaines créatures possédaient des yeux et une bouche, d’autres non. Les orifices n’étaient que de vulgaires trous béants dans leur face dépourvue d’expression.

    Alors que Lee enchaînait ses arpèges en tant qu’échauffement -en prenant en compte qu’il en ait encore besoin- il bruit sourd retentit, suivit d’un autre suraigu. Le jeune elfe bloqua ses mains sur les touches et tourna la tête, bien ne puisse rien voir. Un son grave et prenant s’échappa du piano. Les petites créatures d’ombre se redressèrent sous l’ordre tacite de Lee. Ce dernier jeta un regard circulaire. Il ne captait aucune image. Rien. Parfois, grâce à ces démons, quelques lignes indistinctes lui parvenaient, mais jamais bien longtemps. Sous l’œil de ses créatures magiques, le jeune elfe voyait les fenêtres telles d’imposants trous noirs emplis de néant. Les poutres semblaient n’être que d’immenses arbres dépourvus de feuilles ou de branches et qui s’élevaient jusqu’au ciel. Ce dernier était tout aussi sombre que le reste de la grange. Un nouveau bruit, étouffé cette fois-ci, attira l’attention de Lee. Il se rassit à tâtons pour ne pas tomber.

    Il en certain désormais : quelqu’un venait de pénétrer dans la grange. Le bruit suraigu… Une fenêtre que l’on brise, comprit l’esclave. Il se remit en position sur la banquette, les doigts sur les touches du piano, comme s’il s’apprêtait à jouer. Ce n’était certainement pas les Delt’as qui étaient de retour, il était trop tôt. Et ils ne se seraient pas casser la tête à passer par la fenêtre alors qu’ils possédaient la clé rouillée de la porte. L’ouïe surdéveloppée de Lee devina le son saccadé d’une respiration, essoufflée. Il pouvait presque en sentir la chaleur, tant il était sensible au monde autour de lui sans la vue. Il ne craignait pas le nouveau venu, bien que ce dernier n’était sûrement pas rentré par effraction pour rien. Les démons s’étaient soudain dispersés dans l’obscurité, apeurés face à l’inconnu. Lee ne pouvait maîtriser le semblant de crainte qui germait dans son esprit, et ses créatures en étaient les principales victimes.

    « Il fait froid ici, murmura Lee. Ce n’est pas un bon endroit pour passer la nuit. »

    Il ne pouvait deviner où se trouvait le nouveau venu -ou la nouvelle venue-, mais vu le bruit du verre brisé et de la chute, il était encore dans le tas de paille. Les doigts de l’elfe se crispèrent sur les touches. Il enchaîna, sa voix était ferme :

    « Je sens ta peur de là où je suis. Que crains-tu ? »
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Zohéir X'enlil
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MessageSujet: Re: « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] « Un muet parle à un sourd et un aveugle les espionne. » [Pv Lee] Icon_minitimeLun 9 Juil - 1:21

    Zohéir dévisagea l’homme toujours assit sur son étrange tabouret. Il ne semblait pas avoir pris grande attention à l’arrivée fracassante de l’assassin et ne bougeait pas d’un pouce. Le misanthrope haussa un sourcil interrogateur en se relevant avec peine. Le type face à lui avait les yeux bandés alors, avait-il seulement conscience qu’un intrus se trouvait ici ? En tous les cas, il ne représentait sûrement pas une grande menace. Zohéir se détendit quelque peu à cette idée. Lui qui pensait trouver de la difficulté, il n’en était pas moins soulagé. Cette course contre les soldats l’avait épuisé. Le jeune elfe jeta un regard circulaire, observant la grange d’un œil méfiant. Cet endroit n’inspirait ni la sécurité, ni la propreté. Le misanthrope se releva lentement et prudemment sans quitter l’inconnu des yeux. Ce dernier l’intriguait plus que tout. Que faisait-il ici, enchaîné à ce poteau ? Qui était-il ? Pourquoi portait-il un bandeau sur les yeux ?

    L’homme assis devant son piano se trouvait être un elfe, ses longues oreilles en pointes trahissant sa race. Sa peau était étrangement foncée et son corps svelte et élancé était le témoin d’une maigreur peu commune. Ses côtes saillaient sous sa peau et sa cheville enchaînée était éraflée et égratignée de toute part. Ses vêtements trop grands pour lui étaient crasseux et déchirés à plusieurs endroits, parfois maladroitement recousu. Zohéir se sentait mal à l’aise de ne pouvoir observer le regard de cet homme. Il purgeait habituellement dedans toutes les réponses à ses questions muettes. Ses longs cheveux blancs tombaient en cascade sur ses frêles épaules, quelques mèches étaient nattées. Son droit et parfait, sa bouche fine et son visage ovale étaient facteurs d’une beauté dû à sa race. Il ne bougeait toujours pas, aussi immobile qu’une statue de marbre. Le plus insolite restait tout de même les étranges tatouages qui parcouraient tout une partie du visage de l’inconnu. Lorsqu’il prit la parole, sa voix n’était qu’un murmure presque inaudible :

    « Il fait froid ici. Ce n’est pas un bon endroit pour passer la nuit. »

    Zohéir tressaillit et recula, s’extirpant par la même occasion du tas de paille où il était tombé. Cet homme l’avait donc perçu ? Mais comment, puisqu’il ne pouvait rien voir ? L’assassin chercha du regard un potentiel signe de magie dans la pièce mais rien ne le surprit. Puis finalement, ses yeux se posèrent sur ces créatures, qu’il avait d’abord pris pour de simple ombres formées par les rayons de la Lune sur les objets de la pièce, mais qui se trouvaient être… vivantes ? Cette pensée le fit frémir. Comment tout cela était-il possible ? Cet homme était-il lui aussi un élémentaire d’ombre ? Zohéir finit par s’approcher de quelques pas, ne craignant que très peu cet inconnu face à son piano. Ce qu’il redoutait le plus était le mystère qui planait autour de lui et de ses créatures obscures.

    « Je sens ta peur de là où je suis. Que crains-tu ? »

    L’assassin se figea. C’était comme si cet homme était capable de percevoir toutes les vibrations environnantes, tous les bruissements. Mais pourtant, n’était-il pas… aveugle ? La pire paraissait bien bancale : lui, le misanthrope muet, et l’autre, l’étrange inconnu aveugle. Ils ne risquaient pas d’aller bien loin comme cela. Zohéir ne répondit bien évidemment pas à la réponse de l’inconnu. Cela lui était impossible et, même s’il l’écrivait, l’autre ne pourrait pas la lire. La chaîne au pied de l’elfe l’intrigua d’autant plus. Qui était-il vraiment ? Etait-il dangereux pour être ainsi enchaîné ? Zohéir s’approcha de nouveau, prudemment. Trop de questions se bousculaient dans son esprit instable, sans qu’il ne puisse trouver de réponses cohérentes et plausibles. L’assassin s’arrêta à un bon mètre de l’homme, les bras le long du corps, s’attendant à une réaction de sa part. Mais il n’en fut rien. Au contraire. L’autre s’était retourné vers son piano et caressait les touches avec envie. Qu’attendait-il ? Que cherchait-il ?

    Alors Zohéir fit une chose plutôt surprenante. Il s’assit. En tailleur, près du piano, il s’assit, et ne bougea plus. Il voulait en savoir plus sur cet homme et était prêt à passer la nuit ici jusqu’à posséder ses réponses tant convoiter. Le jeune elfe posa ensuite les yeux sur le piano noir. Il n’en avait jamais vu auparavant. Celui-ci semblait vieux et usé, mais toujours en état de fonctionner. Zohéir affectionnait tout particulièrement la musique, et aurait donné n’importe quoi pour que cet inconnu appuie ne serait-ce qu’une seule fois sur l’une des touches.
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