[FINI] Retrouvaille [Pv : Alcro]

Eleana soupira. Alors qu'elle traversait aisément la forêt peuplant le territoire des centaures, un troupement de ceux-là se prélassaient autour d'un Lac où la jeune femme comptait se rendre. Ou plutôt, avait rendez vous -aucun sous-entendu là dedans nan mais oh :o. Elle avait une idée, mais aucun garantie de réussite. Si elle se faisait chopper, ce n'était pas bon. Et son espèrence de vie se réduirait inlassablement. Elle plia les genoux, inspira, puisa dans ses forces reçues de sa descendance et courra de toute la puissance que ses jambes le lui permettaient.

La jeune femme dévia le troupe de centaures sans se faire repérer. Elle eut un soupire de soulagement mental. Elle sauta, tourna, roula dans toute la forêt, jusqu'à arrivée de l'autre côté du Lac Cristallin, là où elle devait attendre son Gamma, Alcro.

Sagement, elle s'assit sur l'herbe douce. Elle aspira des bouffées d'air, calmant ainsi sa respiration effrenée. Sa course l'avait à peine fatiguée. La jeune Filante dévisagea l'autre rive, où des centaures chassaient en troupeau. Elle était soulagée qu'ils ne l'ait pas reperée. Ce n'était pas parce que l'abolition des alliances s'était quasiment faite qu'il ne fallait pas agir sans prudence. D'autant plus que le Régne des Nécros prenait une tournure désastreuse sur Eséphia. Tous les jours, des elementaires d'Ombre et de Lumière se faisaient tuer. C'était horrible. C'était injuste. Mais c'était là. Eleana ne participait pas à ce qui se pasait. Ce n'était pas parce qu'elle trouvait la situation actuelle horrible qu'elle devait s'impliquer presonnellement. Elle avait déjà beaucoup à faire, et si elle prenait trop de risques, beaucoup de personnes en souffriraient. Et ce n'était pas envisageable.

Avec un soupire las, en attendant son cher Apprenti, elle tenta de se décontracter tranquillement. Elle inspira, se concentra et s'unit avec l'air environnant. Avec sa maîtrise et ses entrainements, elle parvenait à arriver à cet union assez rapidemment. Une fois faite, elle fit souffler le vent sur la surface du lac qui émit des petits clipetis.

Un bruit derrière elle la stoppa dans son agissement. Elle se releva et se retourna, sachant déjà qui se trouvait prés d'elle.

Il était près de midi lorsqu'il reçut le message qu'il attendait avec impatience.
Le soleil, qui courrait dans le ciel depuis plusieurs heures déjà, illumina Lansline de mille feux. Dès les premières lueurs de l'aube, les animux sortirent de chez eux pour refaire prendre vie à l'une des plus belles Capitales d'Esephia.
Alcro, lui, ne s'était tout simplement pas couché. Il avait veillé presque toute la nuit durant afin de contempler un spectacle nocturne, qui ne lui était pas donné tous les jours … Perché sur l'une des plus hautes tours de la ville, le jeune homme gardait les yeux rivés vers le ciel s'assombrissant à vue d'oeil sans broncher. Il avait eu écho d'une pluie d'étoiles filantes, ces astres dansant dans le ciel et laissant derrière elles une traînée de poussière d'or. Alcro n'avait eu l'occasion de n'en voir qu'une seule fois. Une seule et unique fois, gravée dans sa mémoire à jamais.
Douze milles ans. 4
C'est l'âge auquel il avait quitté le cocon familial, sur une décision purement arbitraire. Ses parents, répondant au nom d'Alwena et d'Hatch Helliway, étaient deux animux aux revenus modestes et à la vie facile. Alcro était leur premier enfant, fruit d'un amour passionné, être qu'ils jugeaient trop fragile et délicat. L'idée que cet enfant, gorgés d'un si grand amour, puisse mourir ou être blessé un jour leur était insupportable. Ils adoptèrent donc les aptitudes des poules, en ce qui concernait la protection de leurs progénitures.
Interdiction de sortir, interdiction de parler aux inconnus, interdiction de vivre, tout simplement. Restriction de sa liberté.
Toute son enfance durant, Alcro s'était sentit oppressé, envahit par cet amour dont il ne voulait pas. Bien qu'il aimât ses parents de tout son petit cœur d'enfant, son amour et sa passion dévorante pour la liberté, les grands espaces et l'aventure prirent le dessus.
Douze mille ans. Alcro étouffe, Alcro suffoque. Il lui faut sortir, et vite. Ça n'est pas la première fois qu'il s'adonne à ce genre d'escapades nocturnes. Le jeune garçon saute par le fenêtre, se métamorphose en loup et file dans la nuit, telle une ombre aspirant à la liberté, sentiment des plus précieux à ses yeux. Une escapade comme les autres ? Peut-être pas.
Cette nuit-là, Alcro ne reviendra pas. Plus jamais...
Durant des mois, il fut recherché par les gardes d'Ertenot, sous les ordres et l'argent que leur donnaient ses parents. Le jeune animux se cacha dans une forêt touffue et insondable, se cala entre les rochers et ne bougea plus. Il attendit simplement que leurs caisses, qu'il savait déjà bien amaigries, se réduisent jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus financer leurs recherches.
A de nombreuses reprises, Alcro, peu habitué à être ainsi livré à lui-même et de chaque jour lutter pour sa survie, faillit rebrousser chemin pour de nouveau, se couler dans cette vie facile et confortable qu'il ne dirigeait pas. Mais une nuit, sanglotant et hurlant à la lune sous sa forme animale qu'il adoptait la plupart du temps, les astres se mirent à filer dans la nuit. Il admira ce magnifique spectacle dont il avait déjà entendu parler, se délecta de ces sillages féeriques, goûta aux plaisirs simples de la vie. Dès lors, il ne songea plus jamais à revenir vers ses parents.
Dix-neuf mille ans, Alcro, jeune homme bien bâti et à la vie rythmée de péripéties en tous genres, sourit aux étoiles et au monde qui s'offre à lui. Ces réminiscences lui rappellent à quel point il peut aimer sa liberté, même si il doit lutter chaque jours pour subsister. Parfois, ses pensées se tournent vers ses parents, et une question demeure : Que sont-ils devenus ?

La nuit passe sans un bruit, laissant place au majestueux soleil. L'animux somnole du haut de sa tour, et manque de maintes reprises de s'assoupir. Soudain, une voix résonne dans son esprit, une voix qu'il attendait depuis longtemps, une voix qui le hante depuis des semaines …

« - Alcro, je t'attends aux Collines du Ciel, au lac Cristallin, pour notre deuxième entraînement. »

Alcro ne bouge plus, les yeux suspendus dans l'immensité céleste, son esprit vagabondant hors du temps.
Inlassablement, ses mots reviennent dans son esprit, telle une symphonie dont il ne peut plus se passer tant elle lui est chère et douce. Lentement, il se lève, s'agrippe aux gouttières et, furtivement, aussi rapide qu'une araignée, il désescalade la tour, l'esprit et ses pensées désormais tournés vers un seul objectif, une seule personne …
Eleana.

~*~

Les Collines du Ciel.
L'un des lieux auxquels Alcro ne s'était jamais sentit aussi proche de son désir le plus cher, à savoir, aspirer à la liberté des plus totales. Merveille de la nature, de multiples collines se présentaient ci et là, parsemées d'une multitude de fleurs aux différentes teintes. L'herbe était d'un vert pur, et le ciel, d'un magnifique bleu azur.
Alcro, après avoir traversé de nombreux territoires, couru sans répits malgré la faim et la fatigue qui le tenaillaient, arriva enfin à destination. Ça n'était pas la première fois qu'il se rendait dans les Terres de l'Alliance Luminea, fut-elle aujourd'hui détruite par les Nécrosoris … Mais jamais il n'avait osé s'aventurer près des Collines du Ciel, territoires des Centaures dont la réputation n'était pas glorieuse en matière de sociabilité.
L'animux reprit forme humaine et balaya l'horizon du regard. Il avait perçu les effluves d'un lac tranquille non de là, grâce à ses facultés de canidé. D'un pas assuré et rapide, il s'engagea sur un léger sentier et gravit les collines. L'idée de revoir Eleana lui redonnait des ailes. La dernière fois qu'il l'avait vue, c'était lorsqu'ils cherchaient tous deux à s'approprier l'Anneau d'Or Rouge, détenu par un dragon des Terres de Cendres.
La jeune Filante était l'une de ses seuls vrais amis. Sa seule véritable amie, à vrai dire.
Un nœud se forma dans le ventre d'Alcro. Véritable amie seulement ? Il soupira et chassa cette pensée d'un revers de main. Il avait déjà songé à cela, et ne souhaitait pas s'attarder dessus, préférant rejeter ces sentiments nouveaux qui naissaient en lui sur le compte des flèches de Cupidon.
Enfin, le Lac Cristallin, étendue d'eau qui portait bien son nom pas son calme étonnant et l’atmosphère paisible qui s'en dégageait, s'offrait à lui. Niché entre deux Collines, les rayons du soleil miroitaient à sa surface. Le cœur d'Alcro fit des bonds lorsqu'il discerna la silhouette d'Eleana, de l'autre côté de la rive. Sans un bruit, il contourna la berge et se faufila derrière elle sans qu'elle ne s'en aperçoive. Plus que quelques mètres. Le jeune homme s'accroupit …

« - Salut, Reine de Beauté, tu m'as manqué! » s'écria-t-il en se jetant sur elle par derrière, lui faisant perdre l'équilibre sur le coup.

Ils roulèrent tous deux le long d'une pente jonchée de fleurs aux parfums exquis, avant de s'arrêter en contre-bas, hilares. Qu'il était bon de pouvoir rire de nouveau avec une amie … Il se redressa d'un bond et lui proposa sa main, un immense sourire aux lèvres face aux deux yeux gris tempête qui hantaient ses nuits.

Alors qu'Eleana s'apprêtait à se tourner, une voix se fit entendre.

-Salut, Reine de Beauté, tu m'as manqué! S'exclama quelqu'un qu'elle connaissait parfaitement.

Cette même personne se jeta sur elle, lui faisant perdre l'équilibre sur le coup. Elle tomba sur le sol, et ils roulèrent ensemble le long d'une pente. Ils arrêtèrent leur mouvement en contre bas, les laissant haletant et hilares. Eleana n'avait pas rit depuis longtemps, cela faisait tellement du bien de rigoler avec son Gamma qu'elle n'avait pas vu depuis la dernière fois ... La dernière fois ? Une plage, une mer, un sort, un baiser, un requin, un départ. Ces souvenirs l'assaillirent sous une pluie d'images. Elle les repoussa, ne voulant pas remettre ça sur le tapis. Elle ne voulait plus y penser. Cela la rendait triste, et furieuse. Pas contre Alcro, qui n'avait rien fait. Mais contre le responsable. Elle s'était fait duppée, et elle détestait ça. On l'avait manipulée, elle haïssait ça. Et cela la rendait furieuse et frustrée. D'autant plus que cela l'embrouillait, la rendant totalement confuse. Elle ne savait plus où se mettre. Et elle ne voulait ni se mettre dans l'embarras, ni le jeune Annimux qui devait regretter ce qui s'était passé. S'il voulait en parler, cela n'allait pas être elle qui commençerait.

Ce dernier lui proposa sa main, un sourire aux lèvres, que la jeune femme saisit sans hésition. Elle se retrouva debout, et lui tappa l'épaule avec un sourire espiègle.

-C'pas juste, tu m'as surprise, râla-t-elle sur un ton tout de même joyeux.

Elle était extrênement contente de revoir son élève. Cela faisait du bien de le retrouver.

Elle s'assit sur l'herbe en croisant les jambes, en regardant toujours le jeune homme.

-Alors, depuis la dernière fois ? Tu vas bien ?

Elle s'était rattrappée à la fin de la phrase. Non, elle avait faillit parler de ce qui s'était passé ...

Eleana n'hésita pas un seul instant, et glissa sa main dans celle de l'animux qui frissonna à ce doux contact … Maintenant à une hauteur égale, leurs regards se mélangèrent, et il fut surpris d'y lire le même doute que lui. Il n'eut pas le temps d'y réfléchir plus que, déjà, elle posait une main amicale sur son épaule.

« - C'pas juste, tu m'as surprise » râla-t-elle, d'un fausse mine boudeuse.

Alcro sourit, le cœur battant la chamade. Il ne s'était pas rendu compte à quel point il lui manquait : son sourire enjoué, ses mouvements souples et gracieux, l'assurance qu'elle dégageait et, surtout, ses beaux yeux gris qui le faisaient tant frissonner … La jeune Filante recula et s'assit doucement dans l'herbe. A cet instant, Alcro eut une pensée qui le troubla aussitôt après qu'elle soit survenue : « Au milieu de toutes ces fleurs, je crois qu'Eleana est la plus belle, la plus rare et la plus délicate de toutes ... »

« - Alors, depuis la dernière fois ? Tu vas bien ? »

Alcro soupira d'aise et vint s'asseoir devant Eleana. Il acquiesça d'un hochement de tête, trop heureux pour parler. Il arrachait machinalement l'herbe, tandis qu'une douce brise vint soulever la longue chevelure aux teintes chocolat de son amie et que le soleil ne semblait être présent que dans l'unique but de l'embellir de mille feux.

« - Ça va plutôt bien. Je me suis fait courser par plusieurs gardes de Lansline, j'ai échappé à la prison un nombre incalculable de fois, j'ai encore et toujours volé toutes sortes de choses … La routine quoi ! » raconta-t-il gaiement.

Le sourire amusé d'Eleana face à ses pitreries ne fit qu’accélérer la vitesse à laquelle son cœur battait, si cela était possible sans frôler la crise cardiaque …

« - D'ailleurs, regarde ce que j'ai dégoté l'autre jour, une merveille ! »

Alcro fouilla dans ses nombreuses poches, remplies de petits objets qu'il revendait à chaque gros marché de fin de mois. Un diamant pur, que les rayons du soleil venaient embellir en créant une multitude de couleurs autour de lui, apparut dans sa paume. L'animux sourit devant les yeux écarquillés d'Eleana. Elle leva une main vers lui, comme pour toucher cet objet à la valeur inestimable, mais le jeune homme referma immédiatement le poing.

« - Ah, non, ça n'est pas pour toi ! Commença-t-il sur ton emplis de faux reproches, avant de poursuivre sur un ton beaucoup plus doux. Ce diamant est ridiculement petit, il ne mérite pas d'avoir pareille beauté pour propriétaire, et toi, pareille vieillerie. Je te rapporterai un bijou la prochaine, mille fois plus beau, un objet qui te mérite vraiment. Enfin, aucun objet ne mérite d'être ainsi rabaissé au rang de banal quand c'est un jeune femme aussi belle qui le porte … »

Alcro ne porta pas grande attention sur les jours d'Eleana qui s'empourprèrent aussitôt. Ses yeux s'attardèrent sur une magnifique rose rouge qui poussait près de lui. Il s'en saisit, jura intérieurement lorsque ses épines acérées pénétrèrent dans sa paume et la plaça dans les cheveux d'Eleana. Il l'observa longuement sous différents angles, avant de hocher de la tête, satisfait.

« - Parfaite. Tout simplement parfaite... et toi dis-moi, comment vas-tu? » conclut-il, se faisant violence pour ne pas agripper les mains d'Eleana et enlacer ses doigts entre les siens ...

Alcro eut un soupire et prit place en face d'Eleana. Il secoua la tête, vraisemblablement heureux. Il arrachait l'herbe d'un air distrait. Un geste nerveux, ou pas. Un brise souffla, faisant volerles cheveux de la jeune femme qui ne s'en préoccupa pas.

-Ça va plutôt bien. Je me suis fait courser par plusieurs gardes de Lansline, j'ai échappé à la prison un nombre incalculable de fois, j'ai encore et toujours volé toutes sortes de choses … La routine quoi !Raconta-t-il avec entrain, visiblement content.

Un sourire amusé fleurit sur les lèvres de l'interpellée. Oui, cela résumait bien les activités du jeune homme. Comme elle enviait sa liberté et son insouscience ...

-D'ailleurs, regarde ce que j'ai dégoté l'autre jour, une merveille ! S'exclama-t-il.

Et sur ces paroles, il fouilla ses poches en quête de cette fameuse merveille dont il parlait. Puis il ressortit alors un jolie pierre précieuse scintillant de mille couleurs aux rayons solaires qui le frappaient. Curieuse, elle approcha sa main de l'objet tentateur mais son Gamma referma son poing, coupant l'accés à la pierre.

-Ah, non, ça n'est pas pour toi ! La coupa-t-il d'un ton faussement outré. Ce diamant est ridiculement petit, il ne mérite pas d'avoir pareille beauté pour propriétaire, et toi, pareille vieillerie. Je te rapporterai un bijou la prochaine, mille fois plus beau, un objet qui te mérite vraiment. Enfin, aucun objet ne mérite d'être ainsi rabaissé au rang de banal quand c'est un jeune femme aussi belle qui le porte …

Sans qu'elle puisse l'empêcher, ses joues prirent une teinte rosée. Comme elle détestait rougir, montrant ainsi sa gêne ou son embarras. Mais elle ne pouvait empêcher cette réaction. Alcro baleya l'herbe du regard, recherchant quelque chose du regard. Ce dernier s'arrêta sur une rose rouge, il la ceuillit et la plaça dans les cheveux d'Eleana, qui sourit. Il l'inspecta longuement, puis finit par hocher la tête, apparemment satisfait du résultat.

-Parfaite. Tout simplement parfaite... et toi dis-moi, comment vas-tu ? Demanda-t-il à son tour.

Eleana se demandait bien comment il parvenait à la faire sortir de son impassibilité. Lorsque la question se posa, elle eut une pensée pour Zohéir, à l'attaque qu'ils avaient reçu ... Elle frisonna. Sa jambe ne s'était pas encore entièrement rétablie du dernier affrontement.

-Je me suis fait prendre par des mercenaires, frisonna-t-elle. J'ai bien faillit y passer, tout ça à cause de l'imbicilité de mon frère.

Elle avait prononcé les derniers mots sur un ton empreint de rancoeur. Elle lui en voulait énormement. Et elle était encore énervée, le souvenir de ce qui s'était passé la hantait.

La jeune Filante changea de sujet, ne voulant pas s'appitoyer sur son sort, ce qui n'était pas du tout son genre, étant très fière.

-Bref, tu as fait des progrés depuis notre dernière rencontre ?

Elle avait perdu son sourire et son amusement. Rien que le souvenir de ce qui se passait en ce moment la hantait profondément ...

A peine qu'Alcro eut posé cette question, le regard enjoué d'Eleana fut recouvert par un insondable voile de tristesse. Le jeune animux regretta aussitôt ses paroles et se mordit la lèvre inférieure. Son amie baissa les yeux, comme aspirée dans un tourbillon de souvenirs qui, vu sa mine décomposée, n'étaient pas très réjouissants … Son regard s'attarda quelques instants sur sa jambe, et Alcro sentit que quelque chose, ou quelqu'un, avait dû la blesser.

« - Je me suis fait prendre par des mercenaires, j'ai bien faillit y passer, tout ça à cause de l'imbicilité de mon frère. » Lâcha-t-elle en un soupir.

Alcro resta de marbre, ses yeux d'émeraude fixaient sur son amie que la tristesse gagnait peu à peu, et ce, sans qu'il ne puisse rien y faire. Elle avait particulièrement appuyé sur ses derniers, faisant ainsi passer toute la rancœur et la haine qu'elle éprouvait pour ce dit frère.
Un frère ? L'animux n'en n'avait jamais eu écho. Un vent de tristesse souffla sur lui également, mais pour d'autres raisons cette fois : celle de s'être enfin rendu à l'évidence qu'il ne connaissait finalement que très peu de choses sur Eleana … Un terrible sentiment d'impuissance l'envahit alors, l’amenant à s'emporter contre lui-même. Il se sentait coupable qu'elle le désigne comme « son ami », alors qu'il n'était pas capable de reconnaître, d'un seul coup d'oeil, le mal qui la rongeait et de régler tous ses problèmes en revers de main … Il n'était pas digne d'être l'ami d'Eleana. Au moment où il risquait de s'abattre, de se lamenter sur son sort et de tout abandonner, un seul souvenir, une seule image lui redonna la force de continuer.
Le sourire d'Eleana.
Alcro esquissa un sourire de bonheur à cette agréable pensée. Après tout, toute relation se construit d'abord sur deux inconnus ; il lui faudrait maintenant en apprendre davantage sur Eleana...

« - Bref, tu as fais des progrès depuis notre dernière rencontre ? »

Alcro releva la tête et afficha un large sourire insouciant, même si ses émotions étaient tout autre … Il se souvenait parfaitement du jour où, petit, alors qu'il pleurait à chaudes larmes, sa cousine était venue le réconforter. Au lieu de le consoler, de lui dire que tout irait bien, elle changea de sujet et le fit rire. Une fois que le moral du petit animux eut enfin remonté, la petite fille, un sourire triomphant aux lèvres, s'était exclamée « Tu vois, l'optimisme est contagieux, et c'est le meilleur remède contre la tristesse ! »
Si Alcro ne pouvait pas encore en savoir plus sur ce qui troublait tant son amie, il lui fallait lui changer les idées. Elle lui parlerait de ses problèmes quand elle en aurait envie, et pas le contraire.

« - Oh, oui ! J'ai suivi tes conseils. J'arrive à peu près à communier avec l'Air, et j'arrive un peu mieux à diriger les courants d'airs. » s'exclama-t-il, lui adressant son sourire des plus joyeux.

Alcro se releva d'un bond, inspira longuement et ferma les yeux. Sans s'en rendre compte, il s'était coulé dans une semi-torpeur, un état de transe dans laquelle il faisait bon de baigner. Il sentit alors le monde s'ouvrir autour de lui, il l'appréhenda d'une toute autre manière, tel un sixième sens indéfinissable. Lentement, il réussit à dévier la trajectoire d'un grand courant d'air chaud, qui vint tourbillonner autour d'Eleana avant de reprendre son habituel chemin lorsque Alcro relâcha les doigts. Quand il rouvrit les yeux, son regard trahissait une certaine fierté. Il adressa de nouveau un sourire à Eleana, mais cette fois-ci, emplit de l'immense reconnaissance qu'il lui vouait. « Merci, Eleana, merci de m'avoir ouvert les yeux, merci de m'apprendre tout ça … » criait ses yeux, criait son âme, criait son cœur entiers.
L'animux détourna le regard pour le poser sur le lac. Doucement, il fit passer le vent au-dessus de sa surface miroitante, et plusieurs vaguelettes le parcoururent. Il ferma les yeux, et se remémora le tour qu'avait fait Eleana, alors qu'ils étaient sous les eaux de la Mer d'Azur, en train de …
Aussitôt, l'emprise qu'il avait sur le vent se relâcha, et son sourire s'affaissa. Le doux souvenir qu'était celui de leurs tendres baisers s'était transformé en supplice. Il jeta un furtif regard vers Eleana, et une nostalgie l'envahit, avant qu'il ne la repousse vivement.
L'envie de réitérer devenait de plus en plus forte, et ce sentiment si fort qui était passé entre eux lui laissait un goût amer …

Alcro releva la tête et lui adressa un sourire qui rassura d'autant plus Eleana. Elle ne savait pas pourquoi, mais c'était comme si ce sourire lui faisait oublier ses troubles, aussi facilement que ça. C'était comme si il pensait une baume sur son coeur, la délivrant de ses problèmes.

-Oh, oui ! J'ai suivi tes conseils. J'arrive à peu près à communier avec l'Air, et j'arrive un peu mieux à diriger les courants d'airs. Raconta-t-il avec entrain, accompagné d'un sourire heureux.

Sur ces paroles, il bondit sur ses pieds. Il ferma les yeux, en pleine concentration. Afin de mieux appercevoir ce qui se passait, l'Alpha se releva et observa son élève qui était plongé dans une grande concentration. Pour suivre l'échange incroyablement intéréssant, elle s'unit avec l'Air environnant. Elle pu voir aisément les efforts que prodiguaient son Apprenti. Il incita le courant d'air à souffler dans la direction de la jeune femme, et il obéit, totalement soumis au contrôle du jeune Annimux. Puis ce dernier lâcha son emprise, et le courant d'air reprit sa direction habituelle. Alcro rouvrit les yeux et adressa un sourire satisfait à son mentor. Son regard laissait voir sa fierté. Et il pouvait l'être, il avait fait d'incroyable progrets depuis leur dernière rencontre. Elle en était fière. Très. Elle eut un sourire empreint d'une fascination palpable.

Alcro dévia son regard vers le lac cristallin. Eleana suivait tout ce qu'il faisait avec une intention certaine. Alors qu'il commençait à faire souffler l'air frais, son emprise s'arrêta brusquement. Il ouvrit les yeux, et une tristesse se laissa voir dans ses yeux. Eleana en fut surprise, que lui arrivait-il ? Ressentant sa peine, elle s'approcha de lui et lui fit face. Elle lui effleura la main pour le rassurer, malgré son regard soucieux.

-Qu'est-ce qu'il y a, Alcro ? Tu te débrouillais très bien jusque là, estima-t-elle.

Ce qu'elle lut dans ses yeux lui souffla la réponse. Du moins, elle le croyait.

-Est-ce que ... Commença-t-elle, hésitante.

Puis le souvenir du sort, de l'amour faux qu'ils avaient ressentit lui laissa un goût amer. Elle baissa la tête. Comme elle s'en voulait de ce qui s'était passé ... Et si je ne le regrettais pas ? Et si je désirais tout simplement que ce soit vrai ? ne put s'empêcher de penser la jeune femme. Puis une supposition lui fit mal au coeur. Alcro ne l'aimait pas. Inutile de se faire de faux espoirs ... Mais elle, l'aimait-elle ? Une question sans réponse. Son esprit était entièrement embrouillé, tout tournait et retournait dans sa tête, lui infligeant un horrible mal de crâne. C'était comme si quelque chose l'empêchait de réfléchir à la situation, et lui envoyait la réponse devant ses yeux. En fait, Eleana était dépassée par la situation. Elle ne savait ni commment réagir ni comment interpreter cela. Tout était si nouveau pour elle ! Sa en devenait perturbant ...

Une main se posa sur l'épaule d'Alcro, le faisant sursauter sur le coup. Il n'eut qu'à se retourner pour se retrouver nez à nez avec Eleana, son regard gris tempête trahissant son inquiétude.

« -Qu'est-ce qu'il y a, Alcro ? Tu te débrouillais très bien jusque là... » le complimenta-t-elle.

Alcro ne tenait plus, son corps entier était secoué de légers tremblements incontrôlés, dus aux émotions intenses qui l'assaillaient de toutes parts. Une digue, qui s'était érigée autour de ses sentiments qu'il tentait d'ignorer s'affaissa. Aussitôt, une vague le submergea, l'envahit entièrement. Il avait une terrible envie de serrer la jeune femme dans ses bras, de lui dire à quel point il l'aimait, et ce, dès que leurs regards s'étaient croisés. Il voulait lui déclarer haut et fort ce qu'il éprouvait, il souhaitait chasser tous les tourments de la jeune femme. Il aurait aimé crier que désormais, son bonheur n'était plus d'aspirer à la liberté, mais se résumait à son doux et délicat sourire. Lui dire aussi que celui-ci chassait tous ses problèmes, et que le seul endroit où il se sentait bien en ce Monde était à ses côtés … Surtout, il aurait voulu qu'elle sache qu'il la suivrait n'importe où, quoiqu'il en coûte, qu'il était prêt à la suivre au-delà des étoiles si il le fallait …
Tout ça, il aurait aimé lui dire. Mais parfois, les mots sont insuffisants, et il laissa tout simplement son regard parler pour lui. De toute façon, le jeune animux n'était pas certains de ce qu'il éprouvait pour elle. Il était tourmenté, du fait que tout avait commencé par un amour fondé sur une mascarade ; à savoir, les flèches de Cupidon … Alcro ne savait plus où se placer, et ne voulait pas faire de conclusion trop hâtive.

« - Est-ce que ...» commença son amie, avant de laisser sa phrase en suspens, plongeant dans ses pensées.

De nouveau, un voile de tristesse s'invita sur le beau regard d'Eleana. L'animux fronça les sourcils et jura intérieurement. Voilà qu'il avait réussit à décevoir son Alpha ! Il soupira et se força à afficher un large sourire bienveillant.

« - Tout va bien. » lui assura-t-il.

Alcro fixa le lac, niché un peu haut entre deux collines.

« - C'est juste … c'est juste que je me dis que tu es exceptionnelle, et que je ne t'arriverai jamais à la cheville. Mais que veux-tu ! Tu es parfaite, Eleana, et je ne peux te le reprocher, bien au contraire … »

Il lui offrit un petit sourire, pourtant cette fois-ci sincère et légèrement intimidé. Le vent se leva de nouveau, et entoura les deux amis de son étreinte réconfortante. Alcro en profita pour revenir sur leur entraînement.

« - Dis-moi, comment fait-on pour '' contracter '' l'air ? Je veux dire, pour soulever un objet par exemple, ou pour créer une b... » demanda Alcro, avant de s'interrompre subitement et détournant le regard.

La seule fois où il avait pu observer Eleana créer d'immenses bulles d'air sous les flots, c'était lors de ce fameux incident, sur les plages de la Mer d'Azur. Décidément, ça n'était pas son jour …

Pour toute réponse, Alcro soupira et afficha un sourire forcé. Que, Eleana ne doutait pas, qu'il espèrait rassurant. Toute fois, elle avait bien sentit que quelque chose n'allait pas. Qui le tourmentait ...

-Tout va bien, assura-t-il.

Mais peut-être ne désirait-il pas lui en faire part. Ce qu'elle pouvait comprendre parfaitement.

-C'est juste … c'est juste que je me dis que tu es exceptionnelle, et que je ne t'arriverai jamais à la cheville. Mais que veux-tu ! Tu es parfaite, Eleana, et je ne peux te le reprocher, bien au contraire …

Elle écarquilla les yeux, sincérement surprise. Parfaite ? Pensa-t-elle en articulant chaque syllabe. Elle, parfaite ? Alors là, non. Elle était bien loin d'être parfaite. Au contraire, bien au contraire. C'était une mauvaise fille. Une chasseuse de prime. Une voleuse. Et ça, ce n'est pas quelque chose de valorisant. Alcro ne connaissait pas sa double facette. Elle aurait voulu être complétement elle-même avec lui, du moins elle l'était. Avec lui, elle parvenait à faire ressortir son beau côté qu'elle avait tant tenté de refouler tout au long de ces années. Mais en la présence du jeune homme, elle ne voulait pas montrer son mauvais côté. Honnêtement, elle avait peur. Peur de son regard, peur de sa réaction, peur de ce qu'il pouvait faire. Et elle n'aurait jamais supporter de lire du dégoût ou de l'horreur dans le regard du jeune Annimux. Elle ne voulait pas le perdre. Ni perdre son amitié. ... Amitié ? ...

-Dis-moi, demanda-t-il en changeant précipitement de sujet, comment fait-on pour '' contracter '' l'air ? Je veux dire, pour soulever un objet par exemple, ou pour créer une b...

Sur ces mots, il se renfrogna. Oui, maintenant la jeune femme était certaiine qu'il était préoccupé par ce qu'il s'était passé entre eux. Soit. Mais elle ne comptait pas allourdir sa gêne. S'il voulait lui en faire part, il le fera quand il le voudra.

-Pour soulever un objet, expliqua-t-elle d'une voix stratégique, tu dois t'unir avec l'Air, comme je te l'ai enseigné. Puis tu dois visualiser entièrement la matière de l'objet, l'analiser sous toutes les coutures. Comme si tu déchifrais un calcul mathématiques. Tu dois le visualiser, le comprendre et le déchifrer. C'est exactement cela. A force de la pratique, tu t'y habitue aisément. Tu ordonnes ensuite à l'Air de comprimer l'objet que tu veux déplacer, et l'envelopper entièrement. Puis tu glisses les courrants d'air dans la direction que tu le désires. Au début, tu vas être lent et très concentré. Mais à force, tu pourras être aussi rapide ...

Elle ponctua ses mots en fixant un rocher en tournant vivement la tête. Ses yeux prirent une couleur de gris presque blanc tandis qu'un rocher valdingua quelques mètres plus loin, sous le trajet que lui indiquait Eleana du regard. Elle quitta la pierre des yeux, coupant le contact.

-Que n'importe quel autre Mage de l'Air compétent, termina-t-elle.

Elle roula des épaules, dénouant ses muscles, et enleva une mèche qui pendait devant ses yeux.

-Pour la bulle, recommença-t-elle d'une voix soudainement sérieuse, tu t'unie avec l'Air, tu visualises la forme et la taille de ta bulle, et tu ordonnes à l'Air en le maniant de former ce que tu désires. Et tu renforces ta vision avec plus de conviction pour la rendre solide.

Elle prit une bouffée d'air.

-Un conseil, si tu ne veux pas relâcher ta concentration, pense beaucoup à un souvenir, à quelque chose qui t'obligerait à rester concentrer, à te forcer à ne pas lâcher prise. Quelque chose qui t'intérésse, quelque chose qui te motive ...

« - Pour soulever un objet, commença-t-elle d'un ton calme et posé qui lui était propre, tu dois t'unir avec l'Air, comme je te l'ai enseigné. Puis tu dois visualiser entièrement la matière de l'objet, l'analiser sous toutes les coutures. Comme si tu déchifrais un calcul mathématiques. Tu dois le visualiser, le comprendre et le déchifrer. C'est exactement cela. A force de la pratique, tu t'y habitue aisément. Tu ordonnes ensuite à l'Air de comprimer l'objet que tu veux déplacer, et l'envelopper entièrement. Puis tu glisses les courrants d'air dans la direction que tu le désires. Au début, tu vas être lent et très concentré. Mais à force, tu pourras être aussi rapide ... »

Sur ces mots, Eleana se tourna vers un rocher situé à quelques mètres d'eux. Alcro eut un léger sursaut lorsque ses yeux prirent une inhabituelle teinte plus claire, voir d'un blanc immaculé. Le jeune animux sentit toute la pression que son amie exerçait sur l'air, il perçut aisément les années de pratique qu'il y avait derrière elle, et l'incroyable volonté qu'elle devait y avoir mis. Tout à coup, le rocher s'ébranla et, le vent tourbillonnant autour de lui allait à une telle vitesse qu'il formait presque une barrière que l'on pouvait distinguer à l'oeil nu. Il se souleva dans les airs et, quelques instants plus tard, fut projeté sur une distance remarquable, sous le regard concentré d'Eleana qui avait calculé sa trajectoire.

« - Que n'importe quel autre Mage de l'Air compétent. » conclut-elle en un semi-sourire satisfait.

Alcro sourit, la félicitant du regard, épaté. Eleana détendit ses muscles que l'effort avait contractés, et balaya une mèche de cheveux qui pendait sur son visage, ce qui fit tressaillir le jeune animux : à cet instant, il la trouva à la fois aussi forte que fragile, deux paradoxes concentrés en cette jeune femme extraordinaire …

« - Pour la bulle, recommença-t-elle d'une voix soudainement sérieuse, tu t’unis avec l'Air, tu visualises la forme et la taille de ta bulle, et tu ordonnes à l'Air en le maniant de former ce que tu désires. Et tu renforces ta vision avec plus de conviction pour la rendre solide. »

Pendant qu'Eleana reprenait son souffle, après avoir débité ces paroles à une vitesse phénomènale, Alcro visualisa mentalement l'opération.

« - Un conseil, si tu ne veux pas relâcher ta concentration, pense beaucoup à un souvenir, à quelque chose qui t'obligerait à rester concentrer, à te forcer à ne pas lâcher prise. Quelque chose qui t’intéresse, quelque chose qui te motive … »

Baboum. Baboum. Baboum...
Un long silence s'abattit sur les deux amis, ponctué par le vent faisant frémir la végétation environnante.
Baboum. Baboum. Baboum...
Le regard émeraude d'Alcro se plongea dans celui gris tempête d'Eleana, pour ne plus réussir à s'en décrocher. Son cœur battait si fort, et si rapidement qu'il l'entendait bourdonner dans ses oreilles. Une boule se forma au creux de son ventre.
Baboum. Baboum. Baboum...
Alcro était perdu : son amie était-elle en train de sous-entendre leur étreinte sous-marine ? Il fronça les sourcils et l'interrogea silencieusement tandis que son corps était de nouveau éprit par des tremblements. Eleana se contenta de garder la tête haute, ses yeux affirmant ce qu'il avait toujours espéré entendre …
Baboum. Baboum. Baboum...
Sans pouvoir quitter des yeux la belle Filante, de peur que cet instant hors du temps et de l'espace ne s'échappe à jamais, il réussit à s'unir avec l'Air. Soudain, suivant les conseils de son amie, il forma une boule d'air très conpact derrière son dos, qui percuta Eleana.
Baboum. Baboum. Baboum...
Bonheur.
Seul mot auquel Alcro avait pensé dès qu'Eleana s'était vue propulser en avant, tombant dans les bras du jeune homme qui l'accueillirent volontiers. Ils restèrent ainsi serrés durant de longues minutes, sans mot dire, écoutant leurs cœurs battant à l'unisson. Puis, doucement, la jeune fille leva vers l'animux ses yeux d'une rare beauté …
Baboum. Baboum. Baboum...
Alcro sourit. Il se pencha pour se retrouver à hauteur d'Eleana, resta suspendu à son regard quelques instants.

« - Tu disais … penser à quelque chose qui m'obligerait à rester concentrer ? Quelque chose qui me motive, un souvenir agréable ? » souffla-t-il.

Il se pencha en avant afin de lui murmurer quelques mots à l'oreille, tandis que ses bras resserraient leur étreinte autour de la jeune femme.

« - Excuses-moi, j'en ai bien un mais, je ne me souviens pas bien … tu ne voudrais pas me raviver la mémoire ? »

Baboum. Baboum. Baboum...
Instant semblant hors du temps, gorgé d'une féerie des plus improbables, Alcro regarde de nouveau Eleana dans les yeux, y voit une porte vers son âme, s'y coule … leurs sentiments se mélangent, leur pensées, leur âme. Doucement, Alcro s'approche des lèvres pulpeuses de la jeune Filante qui semblaient l'appeler inexorablement …

« - Elle est là ! »

Brusquement, les deux tourtereaux s'éloignent, leur main se portant instinctivement vers la garde de leur dague respective. Une voix, rauque et forte, venait de retentir du haut de la Colline.
L'homme qui venait de parler dégageait une aura de puissance et avide de pouvoir effrayante, créant un profond malaise autour de lui. Son visage était barré d'une longue balafre, témoin silencieux d'un combat qui devait s'être révélé ardu ... Il toisait Eleana de haut, et son regard aussi noir que le charbon trahissait son désir de la tuer.
Un escadron d'hommes l'entourait, armés jusqu'aux dents et bâtis tels des rocs. Tous fixaient Eleana avec le même sadisme que ce qui devait être leur leader. Alcro jeta un regard interrogateur vers son amie...

« - El... Eleana ? » demanda-t-il faiblement, avant que sa voix ne soit recouverte par les cris poussés par les hommes, qui lançaient enfin l'assaut, brandissant au-dessus de leur tête d'immenses épées aiguisées comme des rasoirs.

Alcro plongea son regard dans le sien. Eleana se raidit, n'osant plus bouger ne serrait-ce qu'un seul membre. Son rythme cardiaque s'accélerra instantanément. Elle ne parvenait pas à quitter le regard vert émeraude du jeune Annimux qu'elle trouvait si attirant. Sans qu'elle puisse s'en rendre compte avant, quelque chose lui fit perdre l'équilibre, et elle retomba dans les bras du jeune homme. Qui était vraisemblablement le commenditaire de cet acte. Ce qui l'amusa, et en même temps l'étonna. Pourquoi donc ... ? Venait-il de lui prouver inlassablement qu'il ressentait les mêmes doutes, qu'il voulait éclaircir la situation, faire le point sur leurs sentiments respectifs ? Ou encore, rendre les armes, et faire ce qu'il voulait tant ?

Ils restèrent ainsi de longues minutes, aucun d'entre eux ne voulait se dérober, aucun d'eux ne voulait partir, quitter cet instant si magique. Eleana ne voulait pas partir. Non, elle voulait rester dans les bras d'Alcro, sentir son corps chaud contre le sien ...

Elle releva les yeux, et il sourit. Il rétablit la distance qui les séparait en se penchant vers elle, sans perdre des yeux le regard gris tempête de la jeune femme.

-Tu disais … penser à quelque chose qui m'obligerait à rester concentrer ? Quelque chose qui me motive, un souvenir agréable ? Souffla-t-il.

Elle n'arrivait plus à bouger, elle ne parvenait plus à quitter ce regard qui l'hypnotisait.

-Excuses-moi, j'en ai bien un mais, je ne me souviens pas bien … tu ne voudrais pas me raviver la mémoire ?

Sur ces paroles sonnant enjôleusement, Alcro se pencha vers le visage d'Eleana, qui le dévorait littéralement du regard. Son coeur rata un battement. Il resserra son emprise sur elle, rendant leur etreinte encore plus forte. Les lèvres du jeune homme étaient si prêts, si prêts ...

-Elle est là ! Cria quelqu'un.

Cet éclat de voix coupa sur le champ l'instant magique. Ils desserèrent leur étreinte, à contre coeur, et se postèrent en position défensive. Des hommes armés se dirigeaient vers eux. D'après leurs regards chargés de haine, ils les recherchaient. Non, pas ils, elle.

-El... Eleana ? Balbutia son Gamma, apparemment perdu sur ce qui se passait.

La jeune Filante n'eut pas la force de croiser son regard. Pourquoi la recherchaient-ils ? Encore ! Comment l'avait-ils retrouvée ? Un frisson lui parcourut l'échine. Ils la trouvaient en présence d'Alcro, ils n'hésiteraient pas à le tuer ... Oh non, comprit-elle avec horreur. C'était sa faute. Entièrement.
Un rugissement la coupa dans ses reflexions. Les hommes surgirent devant eux, et ils n'eurent pas le choix. Ils devaient se défendre. Un combat mortel s'enchaîna. Des clissements de lames ricochaient, des armes s'entrechoquaient, des hurlements de guerre résonnaient. Eleana se débattait comme elle le pouvait, mais l'attaque en masse était difficilement à contenir.

D'un geste rapide, elle faucha l'un d'eux par les pieds, ce dernier tomba à terre. Elle sauta par-dessus le corps, sortit ses Revolvers et tira. Mentalement, elle suivit la trajectoire qu'elle désirait. Et faucha deux autres hommes sur le coup. Mais dans son élan, celui qu'elle avait blessé aux jambes reprennait conscience, et profita de l'occasion pour lui assenner un coup d'épée dans sa jambe droite. Elle échappa un crie et tomba sur le sol. Il avait frappé à son acienne blessure, la rouvrant sur le coup. Du sang sortait de sa blessure. De rage, la jeune femme brune envoya un coup de pied dans la gueule du mercenaire qui eut le souffle coupé. Elle se redressa, non sans avoir esquissé une grimace à l'appui de sa jambe. Elle se jeta sur son assaillant, et lui donna un coup de poing, l'assomant sur le coup. Un crie l'alerta aussitôt. Elle se retourna, et pu voir Alcro, qui dévisageait avec horreur un homme, mortellement blessé, retomber sur le sol, mort. Elle voyait bien l'horreur que ressentait le jeune homme. Mais avec la vitesse de l'éclair, un autre attaquant se dirigea vers lui, épée brandit.

-Alcro ! Cria-t-elle, pour l'avertir.

Ce dernier neutralisa son opposant sans le tuer. Bientôt, aucun autre homme ne s'opposait à eux. Eleana se releva, respirant avec effort, les battements de son coeur battaient contre sa poitrine. Elle ressentit aussitôt des présences qui se dirigeaient vers eux. Ils devaient partir. Maintenant.

D'instinct, la jeune femme cria, et son Annimalier Dragon arriva avec un rugissement sonore. Ses écailles de bronze brillaient sous l'éclat solaire des rayons. Elle se dirigea vers lui, en entraînant le jeune Annimux par la main. Ils devaient faire vite. Ils n'avaient plus beaucoup de temps. Ils grimpèrent sur le dos du Dragon. La jeune Filante lui ordonna de partir. Et il s'excécuta. Il battit des ailes pour reprendre de l'altitude. Et bientôt, le sol devint presque flou. Mais ils purent encore appercevoir des nouveaux arrivants, qui dévisageaient le gigantesque dragon avec effroi.
Eleana eut un frisson glacé en les remarquant. On aurait pu y passer, se dit-elle

Le choc fut plus brutal qu'il ne l'eut cru.
A peine eut-il détourné les yeux d'Eleana, qui avait immédiatement adopté une position de défense, que, déjà, la première hache d'un des hommes fendaient l'air au-dessus de sa tête.
Tout se passa très vite. Le combat était d'une rare violence. Eleana et Alcro, se battant dos à dos afin de mieux contenir l'attaque massive de leurs adversaires, se battaient avec rage. Le jeune animux, qu'une vie à errer dans les rues avait facilement façonné pour le combat, eut tout de même du mal à repousser leurs attaques de plus en plus agressives. A de nombreuses reprises, il frôla la mort d'un cheveu. Mais sa principale préoccupation n'était pas d'assurer sa propre survie, mais plutôt celle d'Eleana … A quelques reprises, il put jeter un coup d'oeil vers elle. Il soupirait de soulagement en constatant que la jeune Filante était plus féroce qu'il ne l'avait pensé. Un à un, les soldats tombaient, hurlant de douleur. Alcro fut même surpris de voir des balles fendre l'air, pour venir se planter dans les fronts et cœur de certains hommes, effectuant de nombreuses détours et loopings avant d'y arriver. Il remarqua, l'espace d'une seconde, que ça n'était autre qu'Eleana qui les dirigeait par la simple force de sa volonté, grâce à un revolver finement conçu et d'une valeur sûrement inestimable.
Tout à coup, un homme, qu'il n'avait pas vu se précipita vers lui en hurlant de rage, sable en avant. Instinctivement, Alcro brandit son poignard en avant, ferma les yeux.
Attendit l'impact.
Il n'en fut rien. Lorsqu'il les rouvrit, son assaillant venait de se planter le couteau du jeune animux au plus profond de son ventre. Il avait lâché son propre sable sous la douleur lancinante, mit quelques instants avant de reprendre ses esprits et tenter de décocher un fabuleux coup de poing en plein dans le thorax d'Alcro.
Celui-ci n'hésita pas une seule seconde. Il remonta son poignard jusqu'au cou de l'homme, ouvrant une incroyable plaie d'où jaillit abondamment du sang. Le liquide vermeil commença à s'écouler du nez et de la bouche du blessé, qui tenta une dernière offensive.
Tentative ratée. Alcro, non plus guidé par ses sentiments mais seulement par ses instincts, retira le couteau et le planta profondément dans son cœur, avant de remuer le couteau dans la plaie et de lâcher prise en chancelant en arrière. Les yeux de l'homme se plongèrent dans les cieux, et le voile de la mort vint recouvrir ses yeux bruns. La vie l'avait déjà quittée avant qu'il ne touche le sol.
Les mains du jeune homme aux cheveux d'ébène tremblaient, son corps était recouvert d'un multitude de tâches de sang. Il déglutit.
Il n'avait tué un homme qu'une fois, et ça n'était qu'un accident. Malgré tout, le remord l'avait rongé des années durant. Mais cette fois-ci, c'était différent.
Il avait assassiné un homme délibérément, de ses propres mains. L'horreur le gagnait peu à peu, à mesure qu'il réalisait ce qui venait de se produire.

« - Alcro ! »

S'arrachant de ses pensées, Alcro réussit à éviter de justesse un coup d'un nouvel assaillant. D'un coup de pied habile et calculé, il le mit à terre et, froidement, l'assomma.
S'en suivit un long cri qui le fit sursauter, bientôt accompagné par un hurlement plus rauque, évoquant celui d'un dragon qu'il ne connaissait que trop bien.
De fortes bourrasques de vent ébouriffèrent ses cheveux et obligèrent les survivants à reculer de quelques pas. Un dragon, plus imposant que son propre animalier dragon, aux écailles de bronze reluisant sous les rayons solaires venait de se poser aux côtés d'Eleana, qui ne broncha pas. Celle-ci s'empara rapidement de la main de l'animux et, d'un coup sec, le tira sur le dos du dragon. A peine eurent-ils décollés qu'un nouvel escadron d'hommes faisaient leur apparition, venus en renfort. Alcro déglutit et n'osa pas imaginer ce qu'il se serait passé si ils étaient restés à terre deux secondes de trop …
Bientôt, leurs adversaires ne furent plus que points noirs au milieu d'une vaste étendue de collines. Ils traversèrent un nuage afin de ne plus être repérables. Alcro se cramponner à Eleana et, doucement, ils se détendirent, même si le sentiment d'horreur qu'il éprouvait dès lors où il avait ôté la vie à l'un de ces hommes l'habitait toujours …

« - Allons à Lansline. » souffla-t-il simplement.

Et, dans un ensemble parfait, ils filèrent à travers le ciel d'azur.

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