Je reposai la lettre de Lune d'Azur. Alors, comme ça, on voulait me voir, "à propos du collier" ? Alors comme ça, il en allait "du sort et des relation de nos deux alliances" ? Je trouvais cela quelque peu... Blessant. Non, ce n'était pas le mot. En fait, je ne voyais que "Effronté", dans cette situation.
Ce qui était paradoxal, c'était que là, c'était moi l'effronté, à critiquer ainsi la lettre d'une dirigeante. Mais il fallait dire que m'envoyer une lettre m'"invitant" au Palais, pour "discuter" alors que je venais juste de retrouver le collier certainement le plus puissant de l'histoire d'Esephia, cela relevait bien d'un certain culot.
Je me calmai. "
Il faut vraiment arrêter d'être parano, là ! C'est une dirigeante, elle ne fait que son devoir. Tu aurais certainement fait pareil à sa place.". Parce qu'après tout, tous mes griefs étaient bien futiles.
Bien. Il fallait de toutes façons prendre une décision. J'ouvris le tiroir de mon bureau, et en sortis une feuille de papier. Je pris un stylo à plume, et de ma plus belle encre, destinais cette lettre à la Reine :
"Chère Sérénade,
Comme vous le savez, j'ai fait la récente acquisition du Collier de Mérénor. Lune d'Azur l'a apparemment appris, et m'a envoyé une lettre afin que je vienne lui rendre visite à son palais. C'est pourquoi je sollicite aujourd'hui votre aide. Je ne puis refuser, sous peine de déclencher un incident diplomatique, mais y aller seul relèverait du suicide, tandis que d'un autre côté, la seule présence qu'elle puisse - je pense - accepter sans trop sourciller serait la vôtre. Ainsi, je vous prie de bien vouloir m'y accompagner.
De plus, j'ai quelques informations à vous communiquer. J'ai retrouvé le Cristal Élémentaire dans une des boutiques des Îles de Cristal. Je pensais acheter un joyau pour un collier, mais il s'est avéré, après étude approfondie, qu'il s'agissait bien dudit Cristal. Celui-ci permet de dissiper les effets du collier. Collier qui, comme vous le savez sûrement, est encore animé par l'âme de Mérénor, qui, selon la légende, fait tout pour s'emparer de son propriétaire. S'il advenait un jour que je me fasse posséder, voici ci-joint, dans la boîte en ébène, le Cristal Élémentaire, que je vous offre, afin que dans un tel cas, vous puissiez me retirer le collier sans danger pour vous, et stopper ainsi la folie de Mérénor.
De plus, la seconde boîte, de Chêne, celle-ci, contient une autre boîte, qui a la particularité de stopper toute magie. J'en possède moi aussi un exemplaire. Cadeau toujours offert dans l'optique de la parade au fait que je succombe à son âme puissante.
N'ayant, dans de tels cas, aucune confiance en tout intermédiaire, je scelle chacun de ces coffrets avec des Glaces Éternelles, qui ne fondront jamais. Le seul moyen d'ouvrir les coffres sera donc de briser ces glaces. De plus, je viens moi-même porter ceci à votre intermédiaire, à qui je le remettrai d'ici quelques heures en main propre. Si jamais le sceau est brisé, vous saurez qui blâmer.
Merci d'avance de l'aide que vous m'apporterez,
Remucer."
J'enroulais la lettre, puis l'entourais d'une bande de tissus rouge, que je nouais en double nœud. Je sortis les deux boîtes, glissant dans la première le Cristal Élémentaire, et dans la seconde, le coffret anti-magie. Je ne résistais pas à la tentation d'y glisser également une fleur de vanille. Refermant les petits coffres, je les scellai, les empilai, posai la lettre au dessus du tout. Je pris l'ensemble, ouvris la porte et m'envolais. Direction : Fysing.
*
*__*
Esephia, Palais Royal de Méséria. Nous nous apprêtions, Sérénade et moi-même, à entrer, dans la pièce, toute de marbre faite, lorsque les portes s'ouvrirent sur nous. Nous nous avançâmes prudemment, et fîmes face à Lune d'Azur, qui nous salua :
-Soyez les bienvenus à Asrrah.Je lui répondis silencieusement d'un signe de tête reconnaissant. Elle se tourna vers moi.
-Merci d’avoir accepté mon invitation.Si la situation n'avait pas été si grave, et l'atmosphère aussi tendue, j'aurais certainement ri. Aux éclats. Je n'ai rien accepté du tout, et il s'agissait plus d'une convocation que d'autre chose. Le politiquement correct avait le don de m'amuser. Mais pour le moment, l'atmosphère et le lieu m'empêchaient de rire, heureusement d'ailleurs, et je me contentais d'un début de sourire en coin... Que j'effaçais aussitôt.
La dirigeante d'Eternial posa ensuite son regard sur Sérénade.
-Je suis étonnée de vous voir ici mais c’est une très agréable surprise que vous nous offrez.J'avais très envie de crier un grand "Aha, bien fait ! Vous ne m'aurez pas si facilement, na !", mais refoulais ce caractère enfantin que je n'avais pas du tout perdu, et me contentais de sourire, sincèrement cette fois. Pour une seconde. La situation ne s'y prêtait pas non plus. Heureusement, ni mon sourire en coin, ni celui-ci n'avaient été relevés ni remarqués. Quel imbécile j'étais ! Enfin, l'adulte que j'étais prit le dessus, et analysa la situation.
Nous avions une salle remplie de gardes le long de l'allée menant à Lune et Scarroff, et probablement truffée de détecteurs en tous genre. Ils avaient de plus celle qui était la plus puissante, et la plus respectable en beaucoup de points, des Mages d'Ombre. Et nous, nous étions deux, une mage de Terre et un made d'Eau. Mais nous avions le Collier, que je sentais pulser sur ma poitrine, accroché autour de mon cou, et le Cristal, que Sérénade gardait dans sa poche. La situation était délicate. Très délicate. Lune, fine stratège, intelligente et puissante, allait tenter de nous soutirer le collier. Très certainement contre de l'argent. Puis, en cas de refus, la situation se compliquerait. La tension était déjà palpable. Je n'osais imaginer les conséquences de la moindre erreur de la part de quiconque d'entre nous, de quel côté que ce soit. Un incident diplomatique majeur, qui mettrait fin à une remarquable (relativement aux autres relations) amitié entre nos deux alliances.
Nous en avions parlé, juste avant d'entrer, avec Sérénade. Il valait mieux qu'elle, intelligente et largement expérimentée en politique que moi, prenne la parole à ma place dans les situations délicates. Dans les autres cas, il restait toujours la Télépathie, qu'elle avait apprise. Éviter à tous prix l'incident diplomatique. Mais garder le collier. Voilà qui allait être plutôt... Sportif.
-Nous sommes, Ô Lune d'Azur, nous aussi très honorés d'être reçus à Asrrah dans d'aussi...Je lorgnais les gardes paranoïaques.
-... Bonnes conditions.