Un pont en bois. C'est ce qu'il y avait devant Ryan. Un pont qui se laissait malmené par le vent. Le garçon s'avança vers ce lien entre les deux rives de la faille. Le bois grinca quand il posa un pied sur la vieille planche. Il mit une de ses main sur la corde usée qui servait à se tenir en équilibre. Et il continua. Un deuxième pas puis un troisième. Il était maintenant en équilibre sur quelques planches et plus rien ne le rattachait (à part les vieilles cordes) à la terre qui lui était si chère. Ryan marchait, balancé au gré du vent, en regardant loin devant lui...
Arrivé au milieu du pont, le vent se fit plus argneux, les planches devinrent moisies et le garçon savait qu'il ne fallait pas faire un pas de travers sous peine de mourir écrasé au fond de la faille. S'il y avait un fond... Le sourire lui revint quand il remarqua qu'il n'était plus qu'a quelques mètres de la terre. Mais une planche, surement plus pourrie que les autres, craqua. Ryan, surprit, ne parvint pas à se tenir à la corde et il tomba. Il sentait l'odeur fétide du vent qui remontait des entrailles de la terre et qui sifflait. Il ferma les yeux. Il allait mourir, seul et personne ne retrouvera son corps.
Quand il les rouvrit, la noirceur de la nuit cachait toute chose qui pourrait l'aider à s'orienter. Il avait mal partout. Il essaya de se relever. Mais après plusieurs tentative, il laissa tombé. Il était déséspéré. Il imaginait des esprits flottant autour de lui en riant et des créatures s'approcher en se léchant les lèvres.
Il tourna la tête et il vit, sur le mur, une lumière jaune briller. La noirceur se cacha dans les fissures pour se mettre à l'abri de cette lumière. Les parois apparurent. Elles étaient humides et de l'eau, probablement imbuvable, ruisselait sur la roche froide. Aucune trace d'esprits moqueurs. Tout à coup la lumière s'éteignit. Plus rien...

Un cri. Un long cri qui s'étouffait peu à peu. Un decrescendo funèbre. C'est ce qui parvenait à mes oreilles alors que je survolais la faille du néant. C'était Ryan. Ryan Namix, que j'avais, il y a peu, sauvé des monstres marins de la Mer d'Azur. Je pliai mes ailes, et fonçais vers la noire frontière qui pulsait. L'air défilait, j'allais de plus en plus vite, espérant le rattraper à temps. Nous tombions tous les deux, mais il ne me voyait pas. Il tombait en me tournant le dos. Ah ! Là ! Enfin, je pouvais presque le toucher. J'effleurais l'étoffe de ses vêtements. J'ouvris la main pour les saisir, mais, alors que j'allais la refermer, il disparut d'un coup, en un "bloub" sonore, derrière une ténébreuse paroi. Son cri s'était arrêté net. L'onde de choc qu'il avait créée se répandait peu à peu, tels des cercles argentés parcourant sa surface. Pour ma part, j'avais, dans un réflexe, déployé mes aies et stoppé ma chute, me stabilisant au dessus de cette ténébreuse frontière. Je tendis ma main, avançant un doigt prudent vers cette sombre surface. Je la touchais. Nouvelle onde de choc. Mais cette fois-ci, je ressentais aussi ce qu'avait ressenti Ryan quelques secondes plus tôt. Une sombre décharge parcourant mon corps au rythme de l'onde. Je criai.

Il me restait maintenant deux choix : Soit je sauvais ce membre d'une Alliance ennemie, et je souffrais à l'aller et au retour, sans aucune garantie de survivre, soit je m'enfuyais et laissais un ami mourir.

Je reculai mon doigt, recourbai mes ailes. Il n'y avait pas à hésiter. Je plongeai.

La première chose que vit Ryan en ouvrant les yeux était une grotte. De l'eau coulait sur les parois des murs abreuvant de la mousse fluorescente qui éclairait la grotte qui se prolongeait en un long couloir. Le garçon n'était pas très rassuré...Il comprit vite qu'il avait été aspiré par le mur. Il utilisa ses pouvoirs d'élémentaire de terre pour essayer de percer la roche mais impossible... quelque chose l'en empêchait, mais quoi?
Il se leva. Ryan n'avait plus qu'a explorer cette grotte... Il commença à marcher quand un « bloup » retentit. Il regarda la source du bruit et il aperçut un ange.
-Remucer? C'est toi? Qu'est ce que tu fait la?
Il était content de voir son ami. Remucer et lui trouverait surement une solution et il en était rassuré. Il espérait juste qu'il n'y aurait pas de monstres que personne (quand je dis personne c'est VRAIMENT personne) ne connait dans la grotte...
-Comment es tu arrivé ici?

Il venait d'y avoir un long silence après la question de Ryan. Je clignai des yeux, avec une étrange impression, comme si j'avais eu une absence. Lorsque je rouvris les yeux, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je constatais que Ryan était devenu immensément plus beau. En fait, il était parfait. Bien sûr, il l'avait toujours été, mais là, c'était flagrant. Et puis ses yeux, si profonds, si expressifs, si mignons. Ses cheveux, en bataille, semblaient maintenant devenir parfaits, bien rangés, en dépit de leur chaos. Son visage était hypnotique. Mais qu'est-ce qui m'arrivait ?

Gifle Mentale.

Je baissai les yeux vers son torse, ses bras, ses jambes. Que son corps était beau ! Bien proportionné, gracieux, parfait, comme tout chez lui. Ses muscles, saillants, se voyaient au travers-même des vêtements épais qu'il portait. Ses muscles étaient si séduisants. Comment était-ce possible d'être aussi beau, aussi musclé, aussi parfait ? En fait, tout son corps était parfait, subjuguant. Il dégageait, en plus de tout cela, une aura naturelle de charisme et de force.

Double Gifle Mentale.

Je devenais amoureux de lui ! Je tombais amoureux de Ryan ! D'un homme... Même si, dans l'absolu, je n'avais rien contre l'homosexualité, quand cela vous arrive, ce n'est pas tout à fait pareil... Et puis, comme si c'étaient ces qualités-là, le charisme et la force, qui m'attiraient, normalement ! Mais rien à faire. Il était trop parfait. Mon regard se dirigea plus bas, une fois de plus. Je n'y pouvais rien. Il était fixé à cet endroit précis.

Quintuple Gifle Mentale.

Non, non, non, non, et NON ! C'était absolument hors de question. Ce n'était pas décent. Regarder cet endroit. Non, mais, et puis quoi, encore ? C'était contre tous mes principes. Absolument tous. Mais je n'y pouvais absolument rien. Ryan exerçait sur moi un charme puissant. Il avait tout pouvoir sur moi, en fait. Je lui aurais obéi au doigt et à l’œil. Mais pour l'instant, j'étais en totale et incontrôlable admiration de la partie de son corps que jamais je n'aurais pensé admirer, avec une pareille attirance, ni même la regarder, et encore moins simplement y penser. Mais tel était le pouvoir de l'amour.

Enclume Mentale.

Je me forçais enfin à relever les yeux. Après tout, il m'avait posé une question. Mais l'état de transe amoureuse dans lequel j'étais m'avait peu à peu fait perdre toute notion de bon sens. Mes yeux remontaient peu à peu le long de son corps. Quelle épreuve. Je devais à chaque fois résister à la tentation de m'arrêter, subjugué par l'un ou l'autre des détails de sa perfection. Je gagnais centimètre sur centimètre. Enfin, j'arrivais à la bouche. Allez, plus qu'un petit effort, les yeux n'étaient plus loin. Seulement, je ne pouvais plus. J'étais bloqué. En contemplation de ses lèvres. Ses fines lèvres rouges, sans aucune craquelure, aucunement gercées par le froid, en aucune façon n'étaient-elles imparfaites. Elle pulsaient du sang de Ryan, elles étaient d'un rouge qu'on ne trouvait nulle part ailleurs. Un rouge si profond qu'on avait envie de s'y noyer. Elles avaient un relief si... étonnant. Elles étaient encore plus parfaites que tout le reste. Plus parfaite que la perfection de Ryan.

Je me demande, pensais-je, si ses lèvres sont douces. Quelle est leur texture. Elles semblent si... Voluptueuses. Je veux savoir !

Piano Mental.

Il fallait résister à la tentation. Que dirait-il, après tout, si je me mettais à l'embrasser ainsi, d'un seul coup ? Non, attendre, il fallait attendre. Attendre le bon moment, se rapprocher de lui. Oui, bon plan. En attendant, il allait falloir répondre à sa question. Et cela nécessitait, entre autres, de ne pas rester "suspendu à ses lèvres", comme le disait l'expression. Expression qui n'avait jamais été aussi pleine de sens pour moi, jusqu'à maintenant. J'en comprenais enfin la pleine dimension. Allez, il ne me restait que quelques centimètres. Je passais sur son nez, et au bout d'un effort surangélique pour ne pas retomber en contemplation de ses lèvres, je le regardai enfin dans les yeux. Et Ô grands Dieux, mais quels yeux ! Ceux-là-même que j'avais contemplés quelques instants plus tôt, revêtaient maintenant une tout autre dimension. Habituellement, ses yeux gris, étranges, faisaient rire tout le monde. Mais là, ce n'était plus le cas. Plus du tout. En fait, plus je les regardais, moins j'avais envie de lui répondre. Du gris. Et quel gris ! Au fur et à mesure que je contemplais ses yeux, j'avais l'impression de m'enfoncer de plus en plus dans une piscine de palladium liquide. C'était comme si son iris était un trou sans fin, dans lequel il suffisait de poser un pied pour y tomber à jamais. Mais alors, quel bien-être on ressentait, hypnotisé par cet argent intense, puissant, subjuguant. J'étais perdu à tous jamais dans les méandres passionnantes des compliqués motifs de ses iris, ou du moins, presque perdu.

Missile Mental.

Voilà que venait de me faire retrouver le bon chemin... Il fallait maintenant trouver, dans tout ça, la force de faire se mouvoir ma mâchoire. Je la remuais un peu, pour être sûr que je la contrôlais encore. Et, accessoirement, je fis de même avec ma langue. Eh bien oui ! Cela améliore la prononciation, de bouger la langue ! Si si, c'est prouvé. Au tour des cordes vocales. Oui, c'est quand même mieux, quand on veut parler, d'être certain que les cordes vocales sont fonctionnelles.

-Aaah... Ah ah, dis-je.

Bien, elles fonctionnaient. Il ne restait plus qu'à construire la phrase convenablement. Pour ça, on a besoin de nos cellules grises... Message au cerveau. Pas de réponse. Après une seconde, un message d'erreur : "Désolé, le cerveau n'est pas disponible pour le moment. Veuillez réessayer plus tard." Ah ! C'était bien le moment ! C'est étrange, ça n'était jamais arrivé. D'un autre côté, je ne buvais pas. Dans tous les cas, il allait falloir la construire sans préparation préalable. Je pestai intérieurement. Ce genre de phrase était juste horrible. Tant pis, il allait falloir tenter.

-Euh, ben euh, commençais-je fort adroitement, ce qui n'était pas mal pour un début, avouons-le. Comment je... euh... suis... hum... arrivé ici ? C'est euh... bah... C'est simple... Enfin euh... Je crois... euh... Ah, oui ! Bah euh... En fait euh... Je t'ai euh... vu depuis hum... les airs et euh... ben... euh... je t'ai entendu aussi ! Euh... T'as crié. Et euh... bah crier entendu quand je t'ai, accouru j'ai ! Voilà et me !

Ouch. Que c'était pitoyable. Surtout la fin, où, tenant de me débarrasser de ces "euh", j'ai tenté de moins réfléchir à mes phrases. On voit ce que cela a donné...

Soupir Mental.

Non, je ne pouvais pas faire cela à Ryan tout de même ! Il fallait que je sois un minimum correct avec lui. Ça ne se fait pas de sortir une horrible phrase bien mal construite ! Maudit cerveau ! Tu vas voir, quand je vais "réessayer plus tard" ! Tu vas t'en prendre une, mon vieux, mais magistrale ! On ne me fait pas ça à moi ! Et encore moins à lui. C'est comme ça, cerveau, ça ne se fait pas. Il faut le respecter. Je l'aime après tout.

Sourire Mental.

Mes yeux de posèrent de nouveau sur ses lèvres. Je n'avais qu'une seule envie, bien naturelle dans ces circonstances. Et surtout au vu de la voluptuosité de ses lèvres. Qui, à ma place, n'aurait pas une terrible - et irrépressible - envie de l'embrasser ?